Quelques mises au point.

Après trois semaines et demie de procès, il me paraît nécessaire d’évoquer quelques problèmes rencontrés lors du procès de Pascal Simbikangwa.

1) A propos de la méconnaissance de la culture rwandaise.

Un avocat de la défense s’étonne du comportement d’un « zamu », gardien de maison, qui oserait sortir de la concession pour aller se promener. Il faut savoir qu’au Rwanda beaucoup de propriétés sont gardées par des veilleurs de jour et/ou de nuit. C’est assez souvent le même qui s’occupe aussi du jardin et parfois, lorsque la confiance est établie, il peut lui être demandé de faire le ménage à l’intérieur. Mais il est assez rare qu’un gardien entre dans la maison. La seule clé qu’il possède, c’est souvent celle du portail d’entrée. Un « zamu », lorsqu’il n’a rien à faire, sort fréquemment de la maison. Il va se promener dans le quartier, à la rencontre des autres gardiens. C’est leur seule véritable détente. Ils se rendent aussi parfois au marché pour acheter les légumes dont ils auront besoin car ils font leur propre cuisine. Il n’est pas rare que le gardien ne connaisse pas le véritable nom de leur « patron ». Ils ne connaissent pas forcément non plus la profession du maître de maison. Ignorer cette réalité risque de faire de fausses interprétations. Or, dans ce procès de Simbilangwa, les témoins sont des Rwandais qui s’expriment devant des jurés français qui ne connaissent certainement que très peu ce pays où s’est déroulé le génocide et leurs habitants.

2) Le comportement des avocats de la défense.

 C’est à juste titre que monsieur l’avocat général s’insurge contre le comportement de maître Epstein, avocat de la défense, à l’égard des témoins. Cette façon qu’a l’avocat de se placer le plus près possible du témoin, de gesticuler,  « l’insupporte ». Cela fait plus de trois semaines que j’ai confié à ceux qui me connaissent que cette façon de faire était une manière de prendre le pouvoir sur le témoin, de le déstabiliser. Surtout quand il s’agit d’un témoin de niveau social peu élevé, comme un agriculteur ou un gardien. Que dire lorsqu’il s’agit d’un rescapé? N’oublions pas non plus que la plupart des témoins viennent pour la première fois dans un pays occidental, qu’il sont passés en quelques heures de leur commune qu’il n’avait presque jamais quittée à une ville agitée comme Paris. Le même problème peut se poser lorsqu’un témoin rencontre des enquêteurs étrangers.

3) Problème de la traduction.

« Traduction, trahison ». Le proverbe latin est d’une actualité criante dans un procès d’assises. On a pu remarquer qu’un des interprètes était venu à plusieurs reprises au secours de son collègue qui ne traduisait pas correctement soit une question, soit une réponse. Un simple petit exemple sans importance peut illustrer ce problème. Plusieurs fois, l’interprète a traduit que les barrières étaient faites en « bouts de bois ». Il aurait pu traduire aussi par « tronc d’arbre », ce qui eut été plus fidèle à l’idée. Les traductions ont pu parfois paraître un peu approximatives à ceux qui, dans la salle, connaissent le kinyarwanda. Je me souviens que le problème avait été aussi évoqué au premier procès de Bruxelles, en 2001. On veut bien faire confiance aux interprètes, mais il faut avoir à l’esprit qu’ils peuvent se tromper. Dans une cour d’assises, ce peut être grave.

4) La lecture d’un plan.

On a pu voir aujourd’hui que certains témoins éprouvent des difficultés à se repérer sur un plan. Ce mode de connaissance ne fait pas partie de leur environnement culturel. N’avez-vous jamais entendu dire votre « copilote », en consultant un plan: « Tourne à droite », alors qu’il fallait tourner à gauche? Un témoin qui ne connaît son environnement que par la préhension physique qu’il peut en faire aura parfois du mal à se projeter sur un plan. On a vu que la difficulté pouvait être surmontée, mais il ne faudrait pas mal interpréter les hésitations du témoin. 

Voilà les quelques réflexions que je voulais partager. Le résultat d’un procès d’assises dépend parfois de peu de choses. Il ne faudrait pas que, dans un sens ou dans l’autre, il bascule pour une erreur minime aux conséquences incalculables.

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