Cette première version de compte-rendu sera revue et complétée, nous vous invitons à revenir sur cette page ultérieurement.
Lectures (pièces versées par la défense)
L’audience débute à 9h. Le président fait le point sur les demandes des parties. Il est donné lecture du procès-verbal d’audition de madame Vénantie MUKAKARANGWA épouse HITIMANA. Le témoin est l’épouse de Joseph HITIMANA, surnommé RUGANZU.
Il en ressort que le témoin a déclaré avoir une mère Tutsi et un père Hutu. Sur RUGANZU , le témoin a indiqué dans son audition que celui-ci était nécessairement décédé, même si elle n’a pas vu la dépouille de son mari. Elle explique qu’en 1987, elle est partie à BUTARE, et avoir habité à TUMBA. Le témoin a travaillé pour la Croix-Rouge internationale à partir de août 1994 et avoir ensuite été domiciliée à GIKONGORO. Elle a déclaré avoir fui le Rwanda en 2004, et être arrivée en France le 29 novembre 2004.
Sur questions du juge d’instruction, madame MUKAKARANGWA a déclaré avoir fui le Rwanda car elle était menacée de mort ou d’emprisonnement, mais ne peut pas donner de détails sur ce qui lui était reproché: “La justice rwandaise reproche aux Hutu beaucoup de choses”. Sur son mari RUGANZU, elle explique qu’il a eu son diplôme d’agronome en 1971. Sur leur domicile, elle indique qu’il y avait bien une buvette à leur domicile, dans laquelle il était servi de la bière, du fanta et des boissons importées du Burundi.
Sur ses engagements politiques, le témoin a expliqué ne pas avoir eu de carte du parti. En revanche, son mari avait bien une carte du MDR et faisait partie de la branche de Dismas NSENGIYAREMYE. Elle explique ensuite avoir quitté BUTARE le 10 juillet 1994 avec son mari. Sur questions du juge d’instruction, le témoin a déclaré que son mari a été “enlevé par des gens en uniforme”, et indique qu’il s’agissait sûrement du FPR. Elle a précisé que son mari n’était pas recherché par la justice rwandaise. A la question de savoir si RUGANZU était considéré comme un génocidaire de première catégorie, le témoin a déclaré ne pas être au courant et réfute cette idée. À la question de savoir si elle a travaillé entre avril et juin 1994, le témoin a répondu par l’affirmative, expliquant qu’elle avait un poste à la prison de BUTARE, et ce jusqu’à sa fermeture. Elle a ajouté que le centre pénitentiaire a fermé à l’arrivée du FPR.
À la question de savoir si des membres de sa famille ont été touchés par le génocide, elle explique que ses cousins ont été tués, et que ceux-ci avaient perdus leurs maisons.
Sur Sosthène MUNYEMANA, le témoin a ensuite expliqué n’avoir été interrogé que dans le cadre de son dossier, et avoir réalisé un témoignage écrit pour l’accusé en 2007. À la question de savoir depuis quand elle connait Sosthène MUNYEMANA, elle explique qu’ils se connaissent depuis 1981, et avoir travaillé avec l’accusé. Elle ajoute l’avoir revu à BUTARE, quand il a commencé à travailler. Elle précise également avoir été la voisine de Sosthène MUNYEMANA et de sa famille. Sur leurs relations, elle explique que celles-ci étaient bonnes, et qu’ils allaient chez les uns et les autres, notamment lors de fêtes.
À la question de savoir si Sosthène MUNYEMANA venait prendre un verre à la buvette, le témoin a déclaré “je pense que oui mais je ne voyais pas tout le monde. Mais il devait venir avec les autres” en précisant que “ce n’était pas non plus fréquent”. Sur l’appartenance de Sosthène MUNYEMANA à un parti politique, le témoin a indiqué qu’il était membre du MDR et qu’il faisait partie de la branche de Dismas NSENGIYAREMYE. Elle ajoute sur questions du juge d’instruction que l’accusé aimait assister au meeting et commenter ce qui avait été dit.
Sur la question de savoir si Sosthène MNYEMANA s’était exprimé sur un conflit Hutu-Tutsi, le témoin a répondu par la négative. Sur le comportement de l’accusé pendant les évènements, le témoin a déclaré que celui-ci “avait un comportement humain” et que “les personnes rescapées affluaient vers le bureau de secteur et qu’il a essayé de les défendre”. Elle a agéalment déclaré “qu’il affrontait les tueurs pour les empêché de les tuer” et conclu en expliquant que l’accusé s’interposait face aux tueurs en disant” pourquoi tuer cette femme ou ces enfants ?”.
Le témoin a ensuite déclaré à propos de Sosthène MUNYEMANA “C’est quelqu’un qui osait défendre. C’était quelqu’un menacé de mort, et c’était l’un des rares à faire ça”. Elle explique que son mari et Françaois BWNAKEYE également s’étaint opposés aux tueurs durant le génocide. Elle déclare sur l’accusé “il a été très courageux à cette période. Je sais qu’il a participé aux réunions afin de trouver un moyen de protéger les gens du secteur et les réfugiés”. Sur la première réunion, le témoin explique dans son audition que “le but était de rechercher la sécurité et tout le monde a participé. Ils ont pris la décision de repousser les tueurs, et Hutu et Tutsi ont repoussés ensemble. Ils ont organisé des rondes pour protéger les gens”.
Elle ajoute dans ses déclarations que Sosthène MUNYEMANA a également participé à la seconde réunion, “après les premières tueries mais que personnes n’a pu faire face aux interahamwe et à l’armée venant de KIGALI”. Elle a ajouté que Sosthène MUNYEMANA avait appelé François BWANAKEYE “pour savoir ce qu’il fallait faire de ces gens et ils ont décidé de les y enfermer pour les protéger”.
Elle a également déclaré que Sosthène MUNYEMANA a pris cette responsabilité “très lourde”, et ajoute, s’agissant des personnes enfermées dans le bureau de secteur “qu’ils n’étaient pas bien dans ce bureau de secteur mais au moins ils n’étaient pas mort”. Elle précise sur question du juge d’instruction s’agissant des clés du bureau de secteur, avoir entendu dire que c’est Sosthène MUNYEMANA qui les détenait. Elle déclare avoir donné à manger à des personnes enfermées dans le bureau de secteur, que des gens ont été sauvés par elle, et qu’elle-même en avait caché et explique avoir revu des rescapés par la suite.
À la question de savoir si Sosthène MUNYEMANA avait caché des gens chez lui, elle a déclaré ne pas le savoir car “c’est son secret, il n’en a jamais parlé mais a dû le faire”. A la question de savoir pourquoi ce n’est pas son mari qui détenait les clés, étant donné qu’il habitait à côté du bureau de secteur, elle botte en touche et dit “que c’est sa décision” (à ruganzu). et ajoute “c’est pas pour dire qu’il était pas capable de la prendre”. A la question de savoir si elle est en mesure d’estimer le nombre de personnes passées par le bureau de secteur, le témoin a répondu par la négative.
Sur le bureau de secteur, elle explique dans son audition que c’est Sosthène MUNYEMANA qui ouvrait pour donner à manger, ou alors qu’on y procédait à travers la fenêtre. Sur la question de savoir comment il est possible qu’une simple porte fermée retienne les interahamwe, le témoin a déclaré que les rondes faites par les hommes du quartier étaient dissuasives et que la porte fermée suffisait. A la question de savoir ce que devenaient les personnes enfermées au sein du bureau de secteur, le témoin a déclaré qu’elle essayait de le sauver et de les ramener dans leurs familles. (NDR : les fosses se sont donc remplies toute seule ?)
Elle a ajouté qu’il est faux de dire qu’on enfermait les gens pour les tuer, mais que c’était plutôt pour les protéger. A la question de savoir si son mari est considéré comme génocidaire, le témoin dément et déclare qu’il n’avait jamais rien fait. Sur la buvette, elle explique qu’elle accueillait les Hutu et les Tutsi. Sur la suite de l’audition, le témoin déclare connaître Simon REMERA sans le voir souvent et explique qu’il ne faisait pas partie du CDR qui avait une idéologie différente, qu’ils ne s’entendaient pas et qu’ils n’ont rien fait avec le MDR. Sur REMERA elle dit ne l’avoir rien vu faire, mais qu’elle a entendu dire que les interahamwe tuaient chez lui.
Sur sa fuite, le témoin a déclaré avoir été menacé et qu’elle avait été menacée car accusée d’être interahamwe, et qu’il s’agissait de faux témoignages pour lui prendre sa maison. Elle a également déclaré avoir eu un contact avec Sosthène MUNYEMANA la veille de son audition. Sur les victimes, elle a déclaré “qu’ils ont été corrompus, ils se sont retournés contre nous. Il s’est dressé un mur pour nous accuser”.
Le témoin a conclut son audition en expliquant avoir été accusé pour trois raisons : être Hutu, être instruite et être en possession de biens.
Il est mis fin à la lecture de l’audition du témoin à 9h49.
Il est ensuite donné lecture de l’attestation de Dismas NSENGIYAREMYE, en faveur de Sosthène MUNYEMANA et versée au dossier. Ce dernier y explique connaître Sosthène MUNYEMANA depuis longtemps, étant originaire de la même commune. Il explique qu’il était l’un des rares à exposer des questions et à vouloir débattre de la situation politique du Rwanda. Il explique que Sosthène MUNYEMANA était engagé au sein du MDR et qu’il était un membre MDR. Il déclare ensuite avoir bénéficié des conseils de Sosthène MUNYEMANA pour les accords d’Arusha. Il explique avoir appris que l’accusé “avait fait acte de courage et s’était opposé au génocide”, “a failli le payer de sa vie” et pense qu’il est “mené une néfaste campagne par les extrémistes du FPR”.
Il explique ensuite que Sosthène MUNYEMANA condamne less massacre et souhaite des accords justes : “il fait parti de ces démocrates rwandais qui ont combattu sans relâche les responsables du génocide, et demandent la condamnation des responsables”.
Il est mis fin à la lecture de l’attestation de Dismas NSENGIYAREMYE à 9h55.
Il est ensuite donné lecture de l’extrait du discours de MUGESERA, d’un extrait de l’ouvrage d’André GUICHAOUA, d’une analyse de ce même auteur, d’un message de Dismas aux membres du MDR “Racine du malaise actuel”, dans lequel il dénonce “les manœuvres d’infiltration du parti d’opposition” et du “blocage du processus démocratique”.
Il est ensuite donné lecture d’un extrait de “Aucun humain ne doit survivre”, d’Allison Desforges, d’un communiqué du commandement des forces armées rwandaises, et d’un extrait “de la guerre au génocide”, d’André GUICHAOUA.
Il est ensuite donné lecture d’un extrait du journal KANGURA, qui a été traduit et versé par la défense. Selon cet extrait, toutes le spersonens arrêtés dans le cadre du génocide l’ont été sur de fausses dénonciations.
Il est ensuite donné lecture du rapport ”Justice compromise” de Human Rights Watch, d’un texte d’André GUICHAOUA, et enfin de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction, pour lequel il a été demandé de ne lire que les éléments à décharge.
L’audience est suspendue à 10h38 et reprend à 11h02.
Les photographies du bureau de secteur sont diffusées. Les avocats des parties civiles, l’avocat général et les avocats de la défense n’ont pas d’observations.
Début des plaidoiries des parties civiles.
Nous publierons les plaidoiries que les avocats des parties civiles nous auront transmises. Nous les remercions pour avoir accompagné les parties civiles dans ce procès au long cours.
Les plaidoiries commencent à 11h05, en voici quelques extraits:
Maître PARUELLE (Communauté rwandaise de France) s’avance : “Le temps du génocide n’est pas un temps ordinaire, ce qui est inimaginable devient imaginable, et devient même une réalité”.
“Il y a ce que l’on dit, il y a ce que l’on voit dans les documentaires, et ce que l’on entend. Mais il y surtout ce que l’on vit”.
Maître PARUELLE rappelle le contexte dans le quel a été éralisé le génocide et déclare :
“Il m’est apparu de vous planter le décor pour vous rappeler dans quelles conditions des millions de personnes ont trouvé la mort à BUTARE et à TUMBA”.
“La justice que vous allez rendre, vous allez la rendre pour les vivants, mais aussi les membres de leurs familles qui ne peuvent plus s’exprimer.”
Maître PARUELLE en termine en citant le nom et les parcours de ces jeunes enfants, qui ont été victiles du génocide. La plaidoirie de Maître BARRUEL se termine à 11h36.
La parole est à maître Sabrina GOLDMAN, représentant la LICRA :
“Ici, la chaîne génocidaire a tué près d’un million d’hommes, femmes et enfants, pour avoir été Tutsi.”
“Ici, c’est la conjonction d’une doctrine génocidaire. Qui dit crime de masse, n’exclut pas les responsabilités individuelles de chacun des bourreaux de cette chaîne meurtrière.
Ici, Sosthène MUNYEMANA”.
“Le procès d’un génocide c’est le procès du racisme dans sa forme la plus extrême, la plus aboutie, et la plus achevée”.
“Le crime commis est si grave, qu’il porte atteinte à l’humanité toute entière. C’est toute l’humanité qui est concernée par les crimes contre l’humanité. C’est l’humanité dans son ensemble qui est visée”.
La parole est à maître Mathilde AUBLE (Ibuka). Sa plaidoirie est construite sur la métaphore d’un écran de fumée, qui a été érigé par la défense et qui finit inéluctablement par se dissiper :
“La théorie du complot qu’on a essayé de vous transmettre a commencé à battre de l’aile. (…) Ce brouillard, cet écran de fumée, ils continuent de l’entretenir”.
“Vous les avez vu, vous, les menteurs. Moi j’en ai vu une, le 8 octobre. (…) et malgré les efforts qui ont été déployés, l’écran de fumée n’a pas tardé à se dissiper”.
“La dernière pièce du puzzle, c’est monsieur MUNYEMANA. Elle s’imbrique parfaitement. Elle ne fait pas tâche. (…) Il avait évidemment la clé, qu’il a obtenue après avoir tenté de l’avoir auprès de MAMBO. Ce qu’il a catégoriquement nié dans un premier temps. Mais les Tutsi qui se sont retrouvés dans le bureau du secteur, eux, y ont bien été emmenés”.
“Très difficile là, pour monsieur munyemana de répondre à ces accusations, quand on voit les récits des épouses de RANGO. Comment peut-on encore soutenir qu’ils se sont réfugiés volontairement au sein du bureau de secteur ?”
“Ce qui me choque, et je l’espère qui vous choque aussi, c’est l’indifférence de monsieur MUNYEMANA. (…) Ceux qui sont derrière moi ne lui reprochent pas de ne pas avoir donné de lieux agréables, mais d’avoir parqué les leurs comme des bêtes. Avec la conscience aiguë de la fin de leur existence. Ne les laissez pas leur dire que trop peu sont revenus, pour qu’on puisse les croire”.
La parole est à maître Rachel LINDON (Ibuka), qui parle avec son coeur :
“J’ai envie de commencer par une petite clarification. Ce n’était pas une faveur que l’on a fait à ces parties civiles rwandaises : c’est un droit, et même une nécessité.”
“Oui, j’ai été choquée lorsque l’accusé écrit ses mémoires en prison, et oui je suis choquée lorsque je sais que le pécule prévu pour les parties civiles est de 3,16 euros.”
“Je corrige les incertitudes de la défense : l’élément intentionnel du génocdie, c’est la connaissance du plan concerté et avoir manifesté son adhésion à celui-ci, sans avoir été nécessairement informé de tous les détails du plan”.
“Pour la défense il y a un génocide, mais sans génocidaire.. C’est aussi faire oublier ce couloir de la mort!”
“Lorsque l’accusé a évoqué séparer l’ami du génocidaire, ça n’a pas fait résonner “Je sépare l’homme de l’artiste ??” (..) Entre le passé où sont nos souvenirs, et l’avenir où sont nos espérances de justice, nos morts ne reviendront jamais”.
L’audience est suspendue à 12h27 puis reprend à 14h.
La parole est à maître Gabriel SEBBAH (FIDH):
« Au village on dit “Sosthène MUNYEMANA a fait le génocide” »
Et de rappeler que dès 1993, la FIDH avait dénoncé la préparation du génocide dans un rapport[1] pour lequel Éric GILLET[2] avait été l’un des enquêteur .
Les lieux de rassemblements ont été dévoyés pour servir à l’exécution du plan génocidaire. Sosthène MUNYEMANA enferme un premier groupe de Tutsi au bureau de secteur le jour même de l’attaque de l’hôpital universitaire qui a fait 140 morts. Il y conduira 4 groupes jusqu’au 14 mai. Ensuite « il ne rend pas la clé en disant qu’il se rend compte que son geste été vain, mais simplement parce qu’il retourne travailler. »
« Je vous demande de considérer que le clivage qui nous stupéfie aujourd’hui est celui qui fait le génocide. »
La parole est à maître Justine VINET (LDH).
« Lui qui nourrit une proximité avec plusieurs membre du GIR[3] n’aurait rien vu, rien su, rien entendu… Lui que Jean KAMBANDA[4] pendant le génocide. Voir Focus – L’État au service du génocide. appellera dès le 7 avril après la mort du président. »
À propos des réfugiés enfermés dans le bureau de secteur, « comment expliquer que la porte refermée, Sosthène MUNYEMANA ne manifeste plus aucun intérêt pour ceux qu’il a enfermés dans ce lieux insalubre. » Et lorsque l’accusé tente de se justifier, ce n’est que le « récit bancal d’un sauvetage dans un lieu qui n’est rien d’autre qu’un cachot. » Qu’il le dise par « hypocrisie ou défense psychique », c’est parce qu’il se retrouve confronté à des fait qu’il ne veut pas admettre.
« Sosthène MUNYEMANA a participé en conscience à l’exécution du plan génocidaire. »
La parole est à maître Hector BERNARDINI (Survie).
Maître BERNARDINI commence par rendre hommage à Gaspard NTITANGIRAGABA, décédé quelques jours avant le début du procès, l’un des rescapés qu’il représente en plus des associations Survie[5] et Cauri[6].
Il s’agit ici de juger un organisateur du « génocide des voisins ». Le génocide « n’est pas un embrasement spontané ». De citer un témoin de la défense, Stephen SMITH[7] : « Ce n’est pas un chaos. C’est systématique. Si vous êtes tutsi et que vous êtes attrapé vous êtes mort. C’est très cohérent. » Jean-François DUPAQUIER[8] parle d’une « organisation mafieuse » dont la clandestinité explique l’absence de trace écrite d’un programme national.
Les travaux de Florent PITON[9] souligne la planification sur le long terme de la définition de l’ennemi : l’assimilation du Tutsi à un « étranger à la nation rwandaise » et à l’échelle locale pour la mise en œuvre de l’extermination des Tutsi. C’est dans cette deuxième dynamique qu’intervient l’accusé, par opportunité ou conviction, peu importe.
Contrairement au TPIR[10] qui ne se fonde que sur des preuves, témoignages et éléments matériels survenus en 1994, la cour d’assises de Paris peut se référer à tout document antérieur pour établir l’existence d’un plan concerté ou la participation de l’accusé à une entente en vue de commettre le génocide.
On pourra se reporter au texte intégral des arguments développés (fichier PDF) que MaÎtre BERNARDINI a bien voulu nous faire parvenir.
En cours de rédaction.

Maître Simon FOREMAN représente le CPCR, une dizaine de disparus de TUMBA et leurs familles parmi lesquelles celles de James BIGIRA, assassiné après son passage au bureau de secteur.
Il y a aussi François KARANGANWA, « ses enfants m’ont confié sa défense ». C’était un riche commerçant, connu comme Tutsi (son assassinat le 21 avril marque le début des massacres à TUMBA).
Il y a encore la famille de Marie NYIRAROMBA, une voisine hutu qui a perdu Frodouald, son mari tutsi. Son petit-fils Fabrice[11] a bien failli être manipulé par sa tante Francine[12] pour tenter de discréditer sa grand-mère et par la même occasion son avocat maître FOREMAN, car à l’entendre « je mens! » fustige-t-il.
Et de citer encore Gaudiose NTAKIRUTIMANA[13], Rose NIKUZE[14], Marie DUSABE[15] « en tout une trentaine » de parties civiles ainsi que le CPCR, « une association de victimes » que la défense tente de caricaturer en « syndicat de délateurs » alors que « c’est prévu par la loi selon l’article 2-4 du code de procédure pénale » que rappelle maître FOREMAN:
« Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, de combattre les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ou de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ».
Il en existe de nombreuses comme dans le cas du procès des attentats du 13 novembre 2015 où « elles étaient encouragées par les pouvoirs publics ». C’est en vertu principe de compétence universelle que la France juge les crimes imprescriptibles de génocide et de crimes contre l’humanité[16], un combat pour la justice qui fût notamment porté par Robert BADINTER[17]. Avant, lorsqu’en 1995 un juge bordelais est saisi de la première plainte, « il ne sais pas trop quoi en faire » si ce n’est suivre une plainte pour faux, mais pas sur le fond. Lorsqu’après sa création le CPCR peut à son tour se constituer partie civile, il va d’abord voir le dossier stagner jusqu’à son transfert à Paris en 2010 et la création d’un pôle crime contre l’humanité en 2012. « Tout d’un coup, le dossier devient énorme, 9 fois les enquêteurs se rendent au Rwanda, enfin le travail du CPCR est pris au sérieux ».
« Le CPCR joue la transparence: « on n’est pas des enquêteurs, on va rencontrer des gens » » et c’est ainsi que Dafroza GAUTHIER signe une traduction « qui fait ironiser maître BOURG ». De 36 témoins en 1995, on en atteindra 214 dont 178 que les gendarmes français ont pu trouver tout seuls : « les autorités rwandaises ont donné carte blanche aux enquêteurs français ».
Les familles de victimes ont « besoin d’une parole de justice, d’une parole de « véridiction » disent les philosophes. » Pour cela, « il y a les témoins mais aussi Sosthène MUNYEMANA lui-même, ses écrits et d’autres. » À BUTARE, il y avait deux cercles d’intellectuels : l’un lié au MRND et l’autre au MDR (celui auquel appartenait l’accusé).« BUTARE, c’est la ville des intellectuels, c’est pouquoi il n’y en a pas eu d’autres ailleurs. »
Quand Sosthène MUNYEMANA parle, « c’est « service minimum », il parle au minimum, quand on l’interroge… Il a bâti un château de cartes, il en lâche une de temps en temps. L’euphémisation est vraiment poussée à son extrême. » Ainsi, il ne dira d’abord pas un mot sur sa possession de la clé du bureau de secteur devant l’OFPRA[18], mais quand, en 2001, son statut de témoin assisté lui donne accès au dossier où il constate que des témoins l’affirment, « là, il se sent obligé de commencer à en parler. » De même « Jean KAMBANDA n’existe pas dans ses premiers témoignages… Il aura fallu attendre le procès en premère instance pour découvrir l’importance de sa proximité avec Jean KAMBANDA. » Lorsque ce dernier a peur, « il va se cacher où? Chez Sosthène MUNYEMANA ».
« Le 17 avril, il a fallu destituer le préfet Jean-Baptiste HABYARIMANA mais le génocide avait déjà commencé à KIGEMBE. » De citer un extrait de « BUTARE, la préfecture rebelle » d’André GUICHAOUA[19]) :
« Les autorités mirent en compétition les autorités locales avec des prétendants à l’exercice du pouvoir qu’elles suscitaient. Ainsi, dans plusieurs communes, de multiples pôles d’autorité s’affrontèrent et instaurèrent des situations de double ou triple pouvoir. » À KIGEMBE, « Bonaventure NKUNDABAKURA (cousin de l’épouse de Sosthène MUNYEMANA), chef du MDR-Power, soupçonné d’avoir fait assassiner le leader de la tendance MDR-TWAGIRAMUNGU à la fin avril, se retrouva ensuite associé à Bernard MUTABARUKA, chef de la CDR pour conduire les massacres en lieu et place du bourgmestre Symphorien KAREKEZI qui devint leur cible. »
Maître FOREMAN poursuit : « lorsque le pouvoir s’aperçoit qu’il ne peut pas s’appuyer sur le préfet avant même qu’il soit destitué, il s’appuie sur sa courroie de transmission : les partis qui prennent les clés » et « les intellectuels des partis. » Et de citer Sosthène MUNYEMANA qui note « Je me considère comme un des rares intellectuels survivants. Mon pays a besoin de moi. »
Maître FOREMAN en conclut une parfaite « symbiose entre le cercle des intellectuels du MDR et le gouvernement… Sa reponsabilité est absolument gigantesque ».
Jade KETTO EKAMBI, bénévole
Jacques BIGOT, compléments, notes et mise en page.
Alain GAUTHIER, président du CPCR, pour les relectures et les NDR.
- Violations massives et systématiques des droits de l’Homme depuis le 1er octobre 1990, rapport sur la mission d’enquête internationale de la FIDH en janvier 1993.[↑]
- Voir l’audition de monsieur Eric GILLET, avocat honoraire du barreau de Bruxelles, le 19 septembre 2025.[↑]
- GIR : Gouvernement Intérimaire Rwandais pendant le génocide. Voir Focus – L’État au service du génocide.[↑]
- Jean KAMBANDA : Premier ministre du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) [↑]
- Lire également le témoignage de madame Laurence DAWIDOWICZ qui représente l’association.[↑]
- présidée par Adélaïde MUKANTABANA, rescapée de BUTARE qui a perdu toute une partie de sa famille et était aussi un ancienne patiente du Dr MUNYEMANA. Adélaïde était membre du Collectif girondin et fera partie des premiers plaignants.[↑]
- Voir l’audition de monsieur Stephen SMITH, le 16 octobre 2025.[↑]
- Voir l’audition de Jean-François DUPAQUIER, lors du procès en première instance, le 8 décembre 2023.[↑]
- Le génocide des Tutsi du Rwanda, Florent Piton, Éd. La Découverte, 2018[↑]
- TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda, créé à Arusha (Tanzanie) par la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 8 novembre 1994 (en anglais ICTR).[↑]
- Voir l’audition de monsieur Fabrice ISHIMWE, petit-fils de madame Marie NYIRAROMBA, le 10 octobre 2025.[↑]
- Voir l’audition de madame Francine MUKARUTESI, 8 octobre 2025.[↑]
- Voir l’audition de madame Gaudiose NTAKIRUTIMANA, 7 octobre 2025.[↑]
- Voir l’audition de madame Rose NIKUZE, 6 octobre 2025.[↑]
- Voir l’audition de madame Marie DUSABE, 6 octobre 2025.[↑]
- Compétence universelle: voir notre article « Pourquoi juger en France ? » dans la rubrique « Repères ».[↑]
- Lire « compétence universelle : un compte à rebours s’est-il enclenché pour marquer la fin de l’exception française? » par Simon Foreman pour Justice Info, 12 juin 2023.[↑]
- OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides[↑]
- André GUICHAOUA : Butare, la préfecture rebelle – Rapport d’expertise rédigé à la demande du Tribunal pénal international des Nations Unies sur le Rwanda, 16 juin 2004, archivé sur le site francegenocidetutsi.org.[↑]
CPCR – Collectif des parties civiles pour le Rwanda Pour que justice soit faite
