Procès en appel de Sosthène MUNYEMANA: lundi 20 octobre 2025. J 24

Cette première version de compte-rendu sera revue et complétée, nous vous invitons à revenir sur cette page ultérieurement.





Lectures (pièces versées par la défense)

L’audience débute à 9h. Le président fait le point sur les demandes des parties. Il est donné lecture du procès-verbal d’audition de madame Bénantie MUKAKARANGWA épouse HITIMANA. Le témoin est l’épouse de Joseph HITIMANA, surnommé RUGANZU.

Il en ressort que le témoin a déclaré avoir une mère Tutsi et un père Hutu. Sur RUGANZU , le témoin a indiqué dans son audition que celui-ci était nécessairement décédé, même si elle n’a pas vu la dépouille de l’intéressé. Elle explique qu’en 1987, elle est partie à BUTARE, et avoir habité à TUMBA. Le témoin a travaillé pour la croix-rouge internationale à partir de août 1994 et avoir ensuite été domicilié à GIKONGORO. Le témoin a déclaré avoir fui le Rwanda en 2004, et être arrivé en France le 29 novembre 2004.

Sur questions du juge d’instruction, le témoin a déclaré avoir fui le Rwanda car elle était menacée de mort ou d’emprisonnement, mais ne peut pas donner de détails sur ce qui lui était reproché “la justice rwandaise reproche aux Hutu beaucoup de choses”. Sur son mari RUGANZU, elle explique qu’il a eu son diplôme d’agronome en 1971. Sur leur domicile, elle indique qu’il y avait bien une buvette à leur domicile, dans laquelle il était servi de la bière, du fanta et des boissons importées du Burundi.

Sur ses engagements politiques, le témoin a expliqué ne pas avoir eu de carte du parti. En revanche, son mari avait bien une carte du MDR et faisait partie de la branche de Dismas NSENGIYAREMYE. Elle explique ensuite avoir quitté BUTARE le 10 juillet 1994 avec son mari. Sur questions du juge d’instruction, le témoin a déclaré que son mari a été “enlevé par des gens en uniforme”, et indique qu’il s’agissait sûrement du FPR. Elle a précisé que son mari n’était pas recherché par la justice rwandaise. A la question de savoir si son mari était considéré comme un génocidaire de première catégorie, le témoin a déclaré ne pas être au courant et réfute cette idée. À la question de savoir si elle a travaillé entre avril et juin 1994, le témoin a répondu par l’affirmative, expliquant qu’elle avait un poste à la prison de BUTARE, et ce jusqu’à sa fermeture. Elle a ajouté que le centre pénitentiaire a fermé à l’arrivée du FPR.

À la question de savoir si des membres de sa famille ont été touchés par le génocide, elle explique que ses cousins ont été tués, et que ceux-ci avaient perdus leurs maisons.

Sur Sosthène MUNYEMANA, le témoin a ensuite expliqué n’avoir été interrogé que dans le cadre de son dossier, et avoir réalisé un témoignage écrit pour l’accusé en 2007. À la question de savoir depuis quand elle connait Sosthène MUNYEMANA, elle explique qu’ils se connaissent depuis 1981, et avoir travaillé avec l’accusé. Elle ajoute l’avoir revu à BUTARE, quand il a commencé à travailler. Elle précise également avoir été la voisine de Sosthène MUNYEMANA et de sa famille. Sur leurs relations, elle explique que celles-ci étaient bonnes, et qu’ils allaient chez les uns et les autres, notamment lors de fêtes.

À la question de savoir si Sosthène MUNYEMANA venait prendre un verre à la buvette, le témoin a déclaré “je pense que oui mais je ne voyais pas tout le monde. Mais il devait venir avec les autres” en précisant que “ce n’était pas non plus fréquent”. Sur l’appartenance de Sosthène MUNYEMANA à un parti politique, le témoin a indiqué qu’il était membre du MDR et qu’il faisait partie de la branche de Dismas NSENGIYAREMYE. Elle ajoute sur questions du juge d’instruction que l’accusé aimait assister au meeting et commenter ce qui avait été dit.

Sur la question de savoir si Sosthène MNYEMANA s’était exprimé sur un conflit Hutu-Tutsi, le témoin a répondu par la négative. Sur le comportement de l’accusé pendant les évènements, le témoin a déclaré que celui-ci “avait un comportement humain” et que “les personnes rescapées affluaient vers le bureau de secteur et qu’il a essayé de les défendre”. Elle a agéalment déclaré “qu’il affrontait les tueurs pour les empêché de les tuer” et conclu en expliquant que l’accusé s’interposait face aux tueurs en disant” pourquoi tuer cette femme ou ces enfants ?”.

Le témoin a ensuite déclaré à propos de Sosthène MUNYEMANA “C’est quelqu’un qui osait défendre. C’était quelqu’un menacé de mort, et c’était l’un des rares à faire ça”. Elle explique que son mari et Françaois BWNAKEYE également s’étaint opposés aux tueurs durant le génocide. Elle déclare sur l’accusé “il a été très courageux à cette période. Je sais qu’il a participé aux réunions afin de trouver un moyen de protéger les gens du secteur et les réfugiés”. Sur la première réunion, le témoin explique dans son audition que “le but était de rechercher la sécurité et tout le monde a participé. Ils ont pris la décision de repousser les tueurs, et Hutu et Tutsi ont repoussés ensemble. Ils ont organisé des rondes pour protéger les gens”.

Elle ajoute dans ses déclarations que Sosthène MUNYEMANA a également participé à la seconde réunion, “après les premières tueries mais que personnes n’a pu faire face aux interahamwe et à l’armée venant de KIGALI”. Elle a ajouté que Sosthène MUNYEMANA avait appelé François BWANAKEYE “pour savoir ce qu’il fallait faire de ces gens et ils ont décidé de les y enfermer pour les protéger”.

Elle a également déclaré que Sosthène MUNYEMANA a pris cette responsabilité “très lourde”, et ajoute, s’agissant des personnes enfermées dans le bureau de secteur “qu’ils n’étaient pas bien dans ce bureau de secteur mais au moins ils n’étaient pas mort”. Elle précise sur question du juge d’instruction s’agissant des clés du bureau de secteur, avoir entendu dire que c’est Sosthène MUNYEMANA qui les détenait. Elle déclare avoir donné à manger à des personnes enfermées dans le bureau de secteur, que des gens ont été sauvés par elle, et qu’elle-même en avait caché et explique avoir revu des rescapés par la suite.

À la question de savoir si Sosthène MUNYEMANA avait caché des gens chez lui, elle a déclaré ne pas le savoir car “c’est son secret, il n’en a jamais parlé mais a dû le faire”. A la question de savoir pourquoi ce n’est pas son mari qui détenait les clés, étant donné qu’il habitait à côté du bureau de secteur, elle botte en touche et dit “que c’est sa décision” (à ruganzu). et ajoute “c’est pas pour dire qu’il était pas capable de la prendre”. A la question de savoir si elle est en mesure d’estimer le nombre de personnes passées par le bureau de secteur, le témoin a répondu par la négative.

Sur le bureau de secteur, elle explique dans son audition que c’est Sosthène MUNYEMANA qui ouvrait pour donner à manger, ou alors qu’on y procédait à travers la fenêtre. Sur la question de savoir comment il est possible qu’une simple porte fermée retienne les interahamwe, le témoin a déclaré que les rondes faites par les hommes du quartier étaient dissuasives et que la porte fermée suffisait. A la question de savoir ce que devenaient les personnes enfermées au sein du bureau de secteur, le témoin a déclaré qu’elle essayait de le sauver et de les ramener dans leurs familles. (NDR : les fosses se sont donc remplies toute seule ?)

Elle a ajouté qu’il est faux de dire qu’on enfermait les gens pour les tuer, mais que c’était plutôt pour les protéger. A la question de savoir si son mari est considéré comme génocidaire, le témoin dément et déclare qu’il n’avait jamais rien fait. Sur la buvette, elle explique qu’elle accueillait les Hutu et les Tutsi. Sur la suite de l’audition, le témoin déclare connaître Simon REMERA sans le voir souvent et explique qu’il ne faisait pas partie du CDR qui avait une idéologie différente, qu’ils ne s’entendaient pas et qu’ils n’ont rien fait avec le MDR. Sur REMERA elle dit ne l’avoir rien vu faire, mais qu’elle a entendu dire que les interahamwe tuaient chez lui.

Sur sa fuite, le témoin a déclaré avoir été menacé et qu’elle avait été menacée car accusée d’être interahamwe, et qu’il s’agissait de faux témoignages pour lui prendre sa maison. Elle a également déclaré avoir eu un contact avec Sosthène MUNYEMANA la veille de son audition. Sur les victimes, elle a déclaré “qu’ils ont été corrompus, ils se sont retournés contre nous. Il s’est dressé un mur pour nous accuser”.

Le témoin a conclut son audition en expliquant avoir été accusé pour trois raisons : être Hutu, être instruite et être en possession de biens.

Il est mis fin à la lecture de l’audition du témoin à 9h49.

Il est ensuite donné lecture de l’attestation de Dismas NSENGIYAREMYE, en faveur de Sosthène MUNYEMANA et versée au dossier. Ce dernier y explique connaître Sosthène MUNYEMANA depuis longtemps, étant originaire de la même commune. Il explique qu’il était l’un des rares à exposer des questions et à vouloir débattre de la situation politique du Rwanda. Il explique que Sosthène MUNYEMANA était engagé au sein du MDR et qu’il était un membre MDR. Il déclare ensuite avoir bénéficié des conseils de Sosthène MUNYEMANA pour les accords d’Arusha. Il explique avoir appris que l’accusé “avait fait acte de courage et s’était opposé au génocide”, “a failli le payer de sa vie” et pense qu’il est “mené une néfaste campagne par les extrémistes du FPR”.

Il explique ensuite que Sosthène MUNYEMANA condamne less massacre et souhaite des accords justes : “il fait parti de ces démocrates rwandais qui ont combattu sans relâche les responsables du génocide, et demandent la condamnation des responsables”.

Il est mis fin à la lecture de l’attestation de Dismas NSENGIYAREMYE à 9h55.

Il est ensuite donné lecture de l’extrait du discours de MUGESERA, d’un extrait de l’ouvrage d’André GUICHAOUA, d’une analyse de ce même auteur, d’un message de Dismas aux membres du MDR “Racine du malaise actuel”, dans lequel il dénonce “les manœuvres d’infiltration du parti d’opposition” et du “blocage du processus démocratique”.

Il est ensuite donné lecture d’un extrait de “Aucun humain ne doit survivre”, d’Allison Desforges, d’un communiqué du comamndement des forces armées rwanaises, et d’un extrait “de la guerre au génocide”, d’André GUICHAOUA.

Il est ensuite donné lecture d’un extrait du journal KANGURA, qui a été traduit et versé par la défense. Selon cet extrait, toutes le spersonens arrêtés dans le cadre du génocide l’ont été sur de fausses dénonciations.

Il est ensuite donné lecture du rapport ”Justice compromise” de Human Rights Watch, d’un texte d’André GUICHAOUA, et enfin de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction, pour lequel il a été demandé de ne lire que les éléments à décharge.

L’audience est suspendue à 10h38 et reprend à 11h02.

Les photographies du bureau de secteur sont diffusées. Les avocats des parties civiles, l’avocat général et les avocats de la défense n’ont pas d’observations.


Début des plaidoiries des parties civiles.

Nous publierons ultérieurement les plaidoiries que les avocats des parties civiles nous auront transmises. Nous les remercions pour avoir accompagné les parties civiles dans ce procès au long cours.

Les plaidoiries commencent à 11h05, en voici quelques extraits:

 

Maître PARUELLE (Communauté rwandaise de France) s’avance : “Le temps du génocide n’est pas un temps ordinaire, ce qui est inimaginable devient imaginable, et devient même une réalité”.

Il y a ce que l’on dit, il y a ce que l’on voit dans les documentaires, et ce que l’on entend. Mais il y surtout ce que l’on vit”.

Maître PARUELLE rappelle le contexte dans le quel a été éralisé le génocide et déclare :

Il m’est apparu de vous planter le décor pour vous rappeler dans quelles conditions des millions de personnes ont trouvé la mort à BUTARE et à TUMBA”.

La justice que vous allez rendre, vous allez la rendre pour les vivants, mais aussi les membres de leurs familles qui ne peuvent plus s’exprimer.

Maître PARUELLE en termine en citant le nom et les parcours de ces jeunes enfants, qui ont été victiles du génocide. La plaidoirie de Maître BARRUEL se termine à 11h36.

La parole est à maître Sabrina GOLDMAN, représentant la LICRA :

Ici, la chaîne génocidaire a tué près d’un million d’hommes, femmes et enfants, pour avoir été Tutsi.

Ici, c’est la conjonction d’une doctrine génocidaire. Qui dit crime de masse, n’exclut pas les responsabilités individuelles de chacun des bourreaux de cette chaîne meurtrière.
Ici, Sosthène MUNYEMANA
”.

Le procès d’un génocide c’est le procès du racisme dans sa forme la plus extrême, la plus aboutie, et la plus achevée”.

Le crime commis est si grave, qu’il porte atteinte à l’humanité toute entière. C’est toute l’humanité qui est concernée par les crimes contre l’humanité. C’est l’humanité dans son ensemble qui est visée”.

La parole est à maître Mathilde AUBLE (Ibuka). Sa plaidoirie est construite sur la métaphore d’un écran de fumée, qui a été érigé par la défense et qui finit inéluctablement par se dissiper :

La théorie du complot qu’on a essayé de vous transmettre a commencé à battre de l’aile. (…) Ce brouillard, cet écran de fumée, ils continuent de l’entretenir”.

Vous les avez vu, vous, les menteurs. Moi j’en ai vu une, le 8 octobre. (…) et malgré les efforts qui ont été déployés, l’écran de fumée n’a pas tardé à se dissiper”.

La dernière pièce du puzzle, c’est monsieur MUNYEMANA. Elle s’imbrique parfaitement. Elle ne fait pas tâche. (…) Il avait évidemment la clé, qu’il a obtenue après avoir tenté de l’avoir auprès de MAMBO. Ce qu’il a catégoriquement nié dans un premier temps. Mais les Tutsi qui se sont retrouvés dans le bureau du secteur, eux, y ont bien été emmenés”.

Très difficile là, pour monsieur munyemana de répondre à ces accusations, quand on voit les récits des épouses de RANGO. Comment peut-on encore soutenir qu’ils se sont réfugiés volontairement au sein du bureau de secteur ?

Ce qui me choque, et je l’espère qui vous choque aussi, c’est l’indifférence de monsieur MUNYEMANA. (…) Ceux qui sont derrière moi ne lui reprochent pas de ne pas avoir donné de lieux agréables, mais d’avoir parqué les leurs comme des bêtes. Avec la conscience aiguë de la fin de leur existence. Ne les laissez pas leur dire que trop peu sont revenus, pour qu’on puisse les croire”.

La parole est à maître Rachel LINDON (Ibuka), qui parle avec son coeur :

J’ai envie de commencer par une petite clarification. Ce n’était pas une faveur que l’on a fait à ces parties civiles rwandaises : c’est un droit, et même une nécessité.”

Oui, j’ai été choquée lorsque l’accusé écrit ses mémoires en prison, et oui je suis choquée lorsque je sais que le pécule prévu pour les parties civiles est de 3,16 euros.

Je corrige les incertitudes de la défense : l’élément intentionnel du génocdie, c’est la connaissance du plan concerté et avoir manifesté son adhésion à celui-ci, sans avoir été nécessairement informé de tous les détails du plan”.

Pour la défense il y a un génocide, mais sans génocidaire.. C’est aussi faire oublier ce couloir de la mort!

Lorsque l’accusé a évoqué séparer l’ami du génocidaire, ça n’a pas fait résonner “Je sépare l’homme de l’artiste ??” (..) Entre le passé où sont nos souvenirs, et l’avenir où sont nos espérances de justice, nos morts ne reviendront jamais”.

L’audience est suspendue à 12h27.

Maître SEBBAH (FIDH).

En cours de rédaction.

Maître VINET (LDH).

En cours de rédaction.

Maître BERNARDINI (Survie).

En cours de rédaction.

Maître SIMON (Survie).

En cours de rédaction.

Maître FOREMAN (CPCR).

Plaidoirie de maître FOREMAN – Dessin @art.guillaume

En cours de rédaction.

 

Jade KETTO EKAMBI, bénévole

Jacques BIGOT, compléments, notes et mise en page.

Alain GAUTHIER, président du CPCR, pour les relectures et les NDR.

Lire aussi

Procès en appel de Sosthène MUNYEMANA: mardi 21 octobre 2025. J 25

Suite des plaidoiries des parties civiles et réquisitoire.