Cette première version de compte-rendu sera revue et complétée, nous vous invitons à revenir sur cette page ultérieurement.
Le président ouvre l’audience en insistant sur la nécessité de respecter la parole de chacun. Il revient sur l’incident de la veille, au cours duquel Mme Fébronie Muhongayire, épouse de l’accusé, a interrompu l’avocat général pendant ses réquisitions pour exprimer son désaccord. Il rappelle avec fermeté que « la parole est sacrée et doit être respectée ».
Plaidoiries de la défense.
Plaidoirie de maître BIJU-DUVAL.
Me BIJU-DUVAL, l’un des quatre avocats de la défense, débute sa plaidoirie en évoquant « l’exigence éthique de vérité » qui s’impose à toutes les parties dans ce procès. Répondant à l’avocat général, il déclare : « Non, 1994, ce n’était pas hier, et ce n’est pas aujourd’hui. Tout nous sépare du secteur de Tumba : l’histoire, la langue, l’expérience des traumatismes. »
Il met en garde les jurés contre l’un des « dangers majeurs » de ce procès : l’illusion rétrospective, ou biais rétrospectif, soit la tendance à croire que les événements auraient pu être anticipés avec davantage de clairvoyance. Il illustre ce travers par l’exemple du gouvernement, qui appela d’abord à la paix avant d’inciter à l’extermination à partir du 19 avril.
L’avocat énumère ensuite les chefs d’accusation pour lesquels son client a bénéficié d’un non-lieu : participation aux tueries du 21 avril à TUMBA, ainsi qu’aux massacres commis dans la préfecture de BUTARE : à Kabakobwa, à l’abattoir, à la préfecture, à l’église anglicane, au Centre hospitalier universitaire et à l’Université nationale du Rwanda.
Il souligne que le procès ne porte que sur les faits de Tumba (motion de soutien du 16 avril) et du bureau de secteur, et insiste sur la constance des déclarations de l’accusé : « Il n’a jamais dissimulé d’informations : il a reconnu avoir détenu la clé du bureau de secteur et y avoir enfermé des Tutsi. Ses propos ont toujours été précis et concordants. »
Poursuivant, Me BIJU-DUVAL admet : « Oui, M. MUNYEMANA a enfermé des Tutsi dans un bureau et a contribué à leur transfert vers un autre lieu. La seule question est de savoir s’il l’a fait dans le cadre d’un plan concerté. » Il reprend les mots de l’avocat général : « On ne s’improvise pas génocidaire », puis cite le témoignage d’Éric GILLET pour rappeler que très peu d’intellectuels hutu ont pris part au génocide. Abordant la personnalité de l’accusé, il évoque le témoignage de Madame Marie NYIRAROMBA, voisine de M. MUNYEMANA, affirmant que son comportement n’a pas changé durant le génocide.
En introduction à la question de son prétendu basculement dans l’extrémisme hutu, l’avocat cite un proverbe français : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Ici, la rage, c’est l’extrémisme hutu de 1994. » Il retrace le contexte d’adhésion de l’accusé au MDR en 1991, à l’époque du multipartisme, précisant qu’il s’agissait d’un parti d’opposition au président HABYARIMANA. « Ce n’était pas un acte d’ambition politique, mais un acte de courage ».
L’avocat situe la ligne politique de M. MUNYEMANA dans celle de Dismas NSENGIYAREMYE, ancien Premier ministre du Rwanda, « traîné dans la boue en première instance et présenté comme membre du Hutu Power ». Il rappelle que NSENGIYAREMYE avait dénoncé dès 1992 les massacres des BAGOGWE et des Tutsi du BUGESERA, avant d’être pris pour cible par Léon MUGESERA. « Voilà le leader que suit MUNYEMANA » répète l’avocat, ajoutant : « M. MUNYEMANA n’a jamais été contaminé par la rage de l’extrémisme hutu. »
Il revient ensuite sur l’appartenance de l’accusé au Cercle des intellectuels de Butare, dont il a été vice-président, qu’il décrit comme une manifestation de l’« effervescence intellectuelle » née du multipartisme. Revenu de France, M. MUNYEMANA s’y serait engagé à titre intellectuel et non politique. « Il n’a jamais cherché à gravir les échelons du MDR. Sa seule passion, c’est la médecine. M. MUNYEMANA n’avait aucune ambition politique. »
L’avocat réfute ensuite le témoignage d’un témoin affirmant avoir vu l’accusé et son épouse lors d’un meeting du MDR avec l’inscription « Hutu Power » tracée au feutre sur le bras. Puis, il aborde la lettre du 7 septembre 1993, envoyée au président HABYARIMANA, en en replaçant la rédaction dans un contexte de tensions politiques internes, alors que le MDR était « fagoté par deux extrémistes dangereux ».
Concernant la lettre du 16 avril 1994, diffusée par Radio Rwanda, il conteste l’idée d’une dissimulation, rappelant qu’elle est mentionnée dans une lettre du 9 avril adressée à son épouse et versée au dossier. Il rejette son interprétation comme preuve d’une adhésion à la politique génocidaire, citant Richelieu : « Donnez-moi six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre. »
Pour l’avocat, replacée dans le contexte du 16 avril, cette lettre apparaît comme « un communiqué assez banal », comparable à celle publiée le 12 avril par les évêques catholiques du Rwanda. Il rappelle qu’à cette date, les massacres s’intensifient et que M. MUNYEMANA « ne nie pas en avoir eu connaissance ». Selon lui, l’accusé savait que « l’état-major s’opposait au génocide tandis que la garde présidentielle se déchaînait à Kigali ».
Aucun membre du CDR ne figurait alors dans le gouvernement. « La seule connaissance des membres du gouvernement ne permettait pas de prévoir son basculement dans le génocide. » Citant André GUICHAOUA, il rappelle que celui-ci situe ce basculement au 12 avril. « M. MUNYEMANA n’est pas dans le secret des dieux, ni des diables. »
Il appuie encore son argumentation sur l’ouvrage Le patron de Dallaire parle de Jacques-Roger BOOH-BOOH, alors chef de la MINUAR, pour conclure qu’il ne faut pas retenir cette lettre comme preuve à charge.
L’avocat balaie ensuite les « amitiés embarrassantes » évoquées la veille par Me MARTIN, notamment avec Jean KAMBANDA, Premier ministre, et Straton NSABUMUKUNZI, ministre de l’Agriculture : « Ces amitiés n’ont rien de politique. » Preuve en est, selon lui : « Aucun des deux ne l’a sollicité pour rejoindre le gouvernement, sachant qu’il était, moralement et humainement, à mille lieues de leurs actions. »
Ces liens ont eu néanmoins des conséquences personnelles, NSABUMUKUNZI ayant facilité sa fuite du pays. Dans son voisinage à Tumba, il était de notoriété publique que M. MUNYEMANA entretenait depuis longtemps ces relations.
Enfin, Me BIJU-DUVAL revient sur la réunion du 17 avril organisée par BWANAKEYE et sur la question du transfert des groupes de Tutsi enfermés dans le bureau de secteur. Pour l’accusation, ce transfert s’inscrivait dans la logique du processus d’extermination. L’avocat conteste : « Lorsque BWANAKEYE appelle KANYABASHI, il s’adresse à un bourgmestre respecté, perçu comme l’ami des Tutsi », qui a fait allégeance au gouvernement pour survivre, non par conviction extrémiste.
En conclusion, il interroge la fiabilité des preuves et la crédibilité des témoins : « Ce n’est pas un procès ordinaire, car ce n’est pas un pays ordinaire. » Évoquant les relations entre la France et le Rwanda, il cite le journaliste Stephen SMITH : « Un témoin qui vient du Rwanda et qui y repart ne peut pas parler librement. » Et d’illustrer son propos par le témoignage de Fabrice ISHIMWE.
Me LEVY revient en détail sur la réunion tenue au bureau de secteur de Tumba le 17 avril 1994. « Lors de cette réunion, on veut nous faire croire que M. MUNYEMANA aurait tenu des propos anti-Tutsi », déclare-t-il, citant l’article « Le boucher de Tumba » publié par African Rights et repris par Alison DES FORGES.
L’avocat énumère ensuite les témoins à décharge, précisant qu’aucun d’eux n’est un proche de l’accusé : Innocent BIRUKA, François RUDAHUNGA, Alexis KUNAMUGIRE, Spiratus SIBOMANA et Fidèle MURERA. Il conteste la thèse de l’avocat général et des parties civiles selon laquelle l’accusé aurait pris le pouvoir lors de la réunion du 17 avril.
Abordant les réunions secrètes pour préparer le génocide où son client aurait été impliqué, Me LEVY réfute point par point les témoignages produits à ce sujet. Il souligne que les témoins sont soit isolés, soit rapportent des propos indirects. Il évoque ainsi les réunions supposées s’être tenues chez M. MUNYEMANA, chez le président SINDIKUBWABO, chez RUGANZU, à l’hôtel FAUCON, ou encore chez Simon REMERA : « En réalité, il n’existe aucun témoin direct. » Pour renforcer sa démonstration, il observe que les témoignages incriminent systématiquement les mêmes figures de Tumba, soit MUNYEMANA, BWANAKEYE, RUGANZU et REMERA, ce qu’il juge peu crédible : « Le génocide a été commis par une minorité de Hutu. Si c’était l’inverse, il n’y aurait plus un seul Tutsi à Tumba. Il faut cesser la caricature. »
Me LEVY rappelle ensuite que la CDR était minoritaire à Butare, citant à l’appui un témoin affirmant avoir vu REMERA boire seul chez RUGANZU, signe de son isolement.
Il s’attarde sur la personnalité de BWANAKEYE et sur son témoignage au TPIR, qu’il qualifie de « un peu pitoyable ». Il explique qu’après son arrestation après le génocide, BWANAKEYE s’est défaussé de toute responsabilité, et souligne qu’il n’a jamais été entendu dans la procédure française. Selon lui, l’accusé n’a participé à aucune réunion, en dehors de celles organisées par BWANAKEYE, auxquelles assistaient également des tueurs. Un point confirmé, selon lui, par le témoignage de Laurien NTEZIMANA.
Sur la question des barrières, Me LEVY s’attarde sur celle de la statue de la VIERGE MARIE, qu’il qualifie d’« invention ». Il cite les témoins Vestine NYIRAMINANI, Vincent HABYARIMANA, Vincent SIBOMANA, Espérance KANYANGE, Gloriose NYIRANGIRUWONSANGA et Emmanuel UFITEYEU, estimant que leurs dépositions sont fausses : « Dans les 41 000 cotes du dossier, il n’existe aucune mention d’une barrière de la statue de la Vierge ! »
Il poursuit en évoquant les rondes et les sauvetages, rappelant qu’une minorité de Hutu a participé au génocide et que l’accusé a bénéficié d’un non-lieu sur les faits liés à ces rondes. Il met en doute le témoignage de Marie NYIRAROMBA, devenue partie civile, et dénonce l’interventionnisme du couple Gauthier dans la procédure, un élément déjà relevé, selon lui, par Patrick GEROLD, ancien enquêteur de l’OCLCH.
Sur la question du bureau de secteur, il cite les témoins fuyant les tueries Josepha MUJAWAYEZU, Venantie MUKAKARANGWA et Eraste NYILIMANA. Concernant Anne-Marie KAMANZI, il souligne que, dans sa déposition, elle évoque REMERA mais pas MUNYEMANA, avant de charger ce dernier à l’audience : « C’est un faux témoignage, d’autant plus qu’elle est devenue partie civile », relève l’avocat.
Me LEVY conteste également les dépositions de Vincent SIBOMANA, Espérance KANYANGE et Emmanuel UFITEYEZU, qu’il qualifie de témoins « en service commandé », appartenant tous au groupe mentionnant la barrière de la Vierge. « C’est une insulte à l’institution judiciaire », dénonce-t-il, demandant à la cour et aux jurés d’écarter ces témoins « de dernière minute ».
Il s’arrête sur le témoignage de Vincent KAGERUKA qui, confronté à l’accusé, a atténué ses propos : « À force qu’il s’expliquait, je finissais par croire à ses explications. » Ce témoin a d’ailleurs reconnu que son enfermement dans le bureau de secteur lui avait sauvé la vie.
Me LEVY cite le rapport de synthèse de Patrick GEROLD, qui relève l’absence de témoins miliciens ayant tué des Tutsi dans le bureau de secteur. À la version de l’avocat général, selon laquelle le bureau de secteur aurait servi de lieu de transit vers l’extermination, les fosses communes étant déjà pleines, il oppose une autre interprétation : « Les évacuations visaient à éviter qu’une attaque de miliciens ne s’organise contre le bureau. »
L’avocat conclut sa plaidoirie en lisant deux extraits de lettres adressées par M. MUNYEMANA à son épouse, datées des 9 mai et 4 juin 1994 : « Le traumatisme que nous vivons aujourd’hui, je ne sais pas si tu l’aurais supporté », écrit-il dans la première. Dans la seconde, il écrit : « Cette lettre tient lieu de testament (…) Si je meurs, ma dernière pensée sera pour toi. »
« Ce qui nous réunit porte un nom, la compétence universelle. Depuis six semaines, on oeuvre pour la justice, pour une démarche de vérité. » Ainsi commence l’avocate de monsieur MUNYEMANA. « Dans quelques heures, nous allons vous laisser, poursuit-elle, à vous seuls appartiendra la tache de juger Sosthène MUNYEMANA. La compétence universelle, c’est quelque chose de grave. Vous avez entre vos mains un homme présumé innocent. Comment le juger?
Vous devrez tenir compte du facteur socio-temporel: nous défendons un Rwandais pour faits commis au Rwanda, avec une langue qui vous est étrangère, des autorités étrangères… Le personnage central, c’est le génocide qui va tout emporter sur son passage. » Et de d’ironiser sur « le récit bien parisien de l’avocat général, sa musique bien parisienne. » « On n’est pas dans un monde normal, vous allez vous vous extraire de vos repères. » (NDR. Est-ce bien compréhensible pour les jurés? »
Et de citer le témoin qui semble l’avoir le plus impressionnée: Josépha! (NDR. C’est une témoin citée par la défense et qui n’est venue que pour louer les vertus de son client.) De poursuivre: « Difficile de juger dans le confort de la Cour d’assises, c’est un dossier mastodonte avec pas grand chose dedans! Des faits qui datent de 31 ans, avec beaucoup de disparus dans le dossier. Le poids du temps joue sur la mémoire. »
L’avocate souligne alors les difficultés qui se présente aux jurés: « facteur diplomatique et géo-politique, facteur politique, un régime autoritaire, une dictature organisée d’une redoutable efficacité. » (NDR. On ne pouvait échapper au dictateur KAGAME, même s’il n’est pas nommé. Toujours la même chanson!)
Une autre difficulté: il n’y a aucune preuve matérielle, les seuls documents sont la lettre du 16 avril 1994 et celle du 7 septembre 1993: « Rien de ces lettres ne manifeste une appartenance à un régime génocidaire. Tout est dans l’élément testimonial dans des investigations de 25 ans. »
« Cette justice, poursuit-elle, il faut que vous la rendiez, on ne peut pas laisser les crimes de génocide impayés. Vous devez prendre votre décision sur des éléments concrets, sur votre intime conviction. La perpétuité est une condamnation à mort. Votre responsabilité est énorme. Vous ne devez avoir aucun doute. Sosthène MUNYEMANA a été confronté à la même chose que les victimes. (NDR. Vraiment?) Vous ne jugez pas le génocide mais un homme. Vous n’êtes pas des historiens, vous êtes des juges. »
Et maître BOURG de refaire l’historique de la plainte. Trente ans qu’elle connaît son client, dans un combat judiciaire qui a duré 30 ans: « Une folle procédure qui commence en 1995. » (NDR. A qui la faute?)
L’avocate revient sur la « plainte avec des personnes physiques qui repose sur un rapport bidon (sic) de la gendarmerie de Kigali, manuscrit, transmis par un ami de MUNYEMANA, James UWILINGOMA ». Sans oublier un autre document de l’ONU qui dénonce les horreurs commises par des médecins, dont le docteur RWAMUCYO pour glisser ensuite sur MUNYEMANA (NDR. Eugène RWAMUCYO a été condamné à 27 ans de prison par le cour d’assises de Paris.)
Et l’avocate de dénoncer Eric GILLET, « un témoin sous serment qui ment » et qui plus est, « avocat des parties civiles en Belgique. » Et de nommer encore monsieur GASANA NDOBA qui fournit lui aussi des documents jugés d’une extrême vulnérabilité par la justice belge. Puis de dénoncer une nouvelle fois le document d’African Rights, Le Boucher de TUMBA, document écarté de la procédure.
En 2001, MUNYEMANA devient témoin assisté, les juges écrivent à Carle DEL PONTE, au TPIR. Pas de suite. Puis ce sera la rupture des relations diplomatiques avec le Rwanda de 2006 à 2009, suite au rapport du juge BRUGUIERES qui lance des mandats d’arrêt contre des proches du président KAGAME. (NDR. Juge dont on a dénoncé l’incompétence à de nombreuses reprises). Incident qui va provoquer un énorme retard dans le traitement du dossier MUNYEMANA et de beaucoup d’autres.
les juges peuvent se rendre au Rwanda en 2009. Avec les Gacaca, selon l’avocate, se met en place une mémoire collective. Le Rwanda met en place des « lois sur le sectarisme » (NDR. N’avons jamais entendu parler de cette expression. Et puis, que peut-elle bien vouloir dire?), des lois qui « bâillonnent la parole. »
À cette époque, trois chercheurs font les frais de cette situation, Alison DES FORGES, André GUICHAOUA et Filip REYNTJENS. Des enquêteurs se feront même « virer » par le procureur NGOGA pour les lenteurs à rendre la justice. Et c’est là qu’entrent en lice des associations comme le CPCR et le couple GAUTHIER (NDR. La bête noire des avocats de la défense) à qui ils reprochent sempiternellement les mêmes choses sur lesquelles nous nous sommes clairement expliqués: « tout leur est ouvert au Rwanda, ils ont accès aux prisonniers, ils interviennent dans la procédure, ont été décorés par le président KAGAME, ne donnent jamais des témoignages à décharge (NDR. Drôle tout de même que des avocats expérimentés nous fassent ce dernier reproche. Nous ne sommes pas des juges d’instruction. Pourquoi faut-il qu’on le répète à chaque procès?)
Si beaucoup de témoignages tombent à l’eau, il reste TUMBA. Et de reprocher un transport tardif sur les lieux, le fait que des protagonistes importants dans le dossier n’ont jamais été entendus. Et de citer KAMBANDA, Straton, KANYABASHI, BWANAKEYE, REMERA, RUGANZU, KUBWIMANA et autre MAMBO. (NDR. Les avocats ont-ils fait des demandes d’actes pour que ces derniers soient interrogés? Et puis, lorsque les juges se rendent au Rwanda, ces personnes sont-elles toujours dans le pays?)
Maître BOURG continue sa litanie. Madame Laetitia HUSSON en prend pour son grade pour n’avoir jamais entendu parler de MUNYEMANA au TPIR. (NDR. Il faut dire qu’elle leur a résisté lors de son audition). Et puis le fameux enquêteur GEROLD qu’il avait été impossible de faire citer en première instance, « suite à une obstruction du Parquet« . Et d’encenser cet enquêteur qui a fait « un travail considérable » mais dont elle semble ignorer les conditions dans lesquelles il a été mis fin à sa présence au sein de l’OCLCH.
Il aurait été alors entrepris une « chasse aux intellectuels hutu » (NDR. Une chanson qu’on entend depuis plus de 25 ans). « On en a un sous la main, poursuit-elle, on ne va pas le lâcher« . « Au Rwanda, plus on charge les opposants, mieux vous êtes considérés. » Et que dire du système judiciaire rwandais? Pourquoi n’avoir pas interrogé les quatre autres signataires de la lettre du 16 avril, se demande-t-elle? Et de citer monsieur GRIFFOUL à propos des témoignages: « Un mensonge dans un océan de vérité » (NDR. S’il n’est qu’un mensonge dans un océan, c’est bien peu! Une citation dont l’avocate aurait pu se passer car elle ne défend pas son raisonnement).
Et puis: « On ne condamne pas un homme sur la souffrance des autres. » Difficile pour la défense de faire citer des témoins? Heureusement, il y a eu Elvanie, un « miracle« , « un témoignage très fort émotionnellement« . Et de revenir sur son « exfiltration » après son témoignage alors que monsieur le président lui avait demandé de prendre place dans la salle, « traînée comme un sac à patates ». Et l’avocate d’ajouter qu’elle a culpabilisé pour savoir ce qu’elle était devenue.
Maître BOURG propose alors une grille de lecture aux jurés: le contexte, attention au rapport à la narration, prudence concernant le témoignage des détenus, bien croiser les témoignages… « Votre tache est difficile et il faut faire oeuvre de justice. » Toutefois, l’élémrent central, c’est les victimes, les gens ont ont vécu le génocide, les femmes ont été violées, « c’est un socle incontournable. » L’avocate dénonce les mensonges récurrents, le fait que beaucoup de parties civiles aient pu venir sans avoir jamais été entendues (NDR. La fameuse Francine avait-elle été entendue?), des parties civiles qui peuvent rester dans la salle avoir d’être entendues!
L’avocate souhaite dire quelques mots sur les témoins à décharge: Josépha, « j’y tiens » dit-elle, Erasme, le pasteur d’Afrique du Sud (NDR. Celui qui ne veut pas reconnaître les propos dévastateurs du président SINDIKUBWABO à qui il veut bien accorder le bénéfice du doute!) Parmi les témoins de contexte, seuls l’ambassadeur SWINNEN et Hervé DEGUINE échappent à ses critiques. Madame COULIBALY, « une farce. »
Les experts psychologiques ou psychiatriques en prennent pour leur grade: « Il faut se calmer sur ces analyses psychologiques« . Elle connaît MUNYEMANA depuis trente ans et ne supporte pas qu’on puisse dire qu’il « s’adapte« . Ce dernier n’exprime pas ses émotions mais c’est lui qui dit tout! Et de préciser qu’il n’a jamais été placé en détention provisoire.
De dénoncer alors « la décision scandaleuse de la cour d’assises en première instance, avec une feuille de motivation qui lui est « tombée des mains« , avec des témoins exclus qui sont cités, des erreurs de date, des fautes sur les noms.
De conclure: « Vous pouvez décider autrement. Gardez votre liberté, votre intime conviction. » Puis de relire l’article 304 qui rappelle aux jurés comment ils doivent juger. « Le doute profite à l’accusé. Nul ne sera condamné sans certitude, sans preuve. Sachez que que j’ai mené ce combat judiciaire depuis 30 ans. Il est temps pour moi de me retirer. Je vous confie monsieur Sosthène MUNYEMANA. »
« Pour un homme de 70 ans, la perpétuité, ce n’est pas facile » commence l’avocat de MUNYEMANA. Et aussitôt d’adresser un message aux victimes qu’il respecte. De citer monsieur BADINTER après son passage au Panthéon: « La mémoire est un combat permanent. » « Ce n’est pas le génocide que vous jugez. La vie de Sosthène MUNYEMANA est entre vos mains. Le crime de génocide est le plus grand des crimes, un crime imprescriptible. Vous avez un impératif éthique de juger. Vous devrez tenir compte de l’intention génocidaire: est-ce que Sosthène MUNYEMANA a eu la volonté de participer au génocide. A chaque question qui vous sera posée vous devrez vous demander si MUNYEMANA avait l’intention génocidaire. »
Et d’énumérer des questions à l’adresse des jurés.
- Concernant la consommation d’alcool de Sosthène MUNYEMANA. Réponse de l’accusé: « On pouvait s’opposer sans s’exposer« , allusion au fait qu’il laissait son verre de bière plein pour pas qu’on le reserve! (NDR. Est-ce une question si importante?) « Retenez cette phrase: un comportement qui pourrait passer pour de la complicité.
- Le témoignage de Laurien NTEZIMANA: l’avocat, dans un long exposé, voudrait faire de son client un autre Laurien. Une démonstration qui ne tient pas la route. Idem pour le cas de KANYABASHI.
- La recherche de sens. Maître LURQUIN évoque les différents non-lieux obtenus par son client dans cette affaire. Il faut analyser ce que dit le témoin.
- Interrogation sur le génocide. Et d’évoquer son voyage au Rwanda en juillet 1994, le million de réfugiés à GOMA, autant à BUKAVU, son passage à NYAMATA. (NDR. Que viennent faire ces considérations dans le cadre de ce procès?) Puis d’évoquer le fait que l’épouse de l’accusé était Tutsi! (NDR. On peut en douter vu les explications que cette dernière a fournies.)
- Sosthène MUNYEMANA était-il connu? De redire qu’il n’avait aucune volonté d’un destin national. Il était passionné par son métier. (NDR. Si les forces génocidaires avaient fini par gagner la guerre contre le FPR, n’aurait-il pas obtenu un poste à responsabilité? On peut légitimement se poser la question.) De commenter enfin la motion du 16 avril et la situation le soir de l’attentat. Où est MUNYEMANA à ce stade?
(NDR. Tous ces points abordés me semblent tellement nébuleux, voire fumeux, que je ne vois pas comment ils vont pouvoir permettre aux jurés de se faire une intime conviction.)
Son appartenance? « On ne bascule pas du jour au lendemain dans le génocide. » (NDR. S’appuyer sur le témoignage de ses collègues français n’a aucun sens. Les experts psychologues ont souligné que l’accusé n’avait aucune pathologie: et l’avocat d’en tirer la conclusion qu’il ne pouvait pas basculer dans le génocide. (NDR. A t-il vraiment compris ce qu’est une expertise psychologique?)
Puis d’évoquer, pour faire pendant à l’avocat général, deux films qui semblent l’avoir marqué: Shooting dogs, a propos de l’abandon des Casques Bleus belges rassemblés à l’ETO (Ecole Technique Officielle à KICUKIRO le 11 avril 1994) (NDR. Et c’est un bon film. Mais oser venir nous servir Hôtel Rwanda et son héros hollywoodien Paul RUSESABAGINA, « le meilleur film »! Les bras m’en tombent. Et puis, quel intérêt pour la défense de son client?)
Chanter enfin les louanges de monsieur SWINNEN, de monsieur SMITH ou encore de KAREMANO, « un témoin extrêmement crédible »
Un visage lui revient: celui de Béata que MUNYEMANA va aider à accoucher. Pourquoi Béata? Et KAMBANDA? Puis BAKAMBIKI, le préfet de CYANGUGU, « à côté de la préfecture de BUTARE » (NDR. 146 km entre les deux villes tout de même), préfet acquitté au TPIR. Le lien avec MUNYEMANA?) Sans oublier GEROLD, qui a dit « des choses essentielles »
Maître LURQUIN réduit l’affaire MUNYEMANA au bureau de secteur pour en tirer la conclusion que son client n’était pas un extrémiste. La preuve? Il a repris son boulot en France. (NDR. Comprenne qui pourra)
Et avant de demander aux jurés d’acquitter son client, l’avocat revient sur l’épisode de la fuite de la famille MUNYEMANA au Zaïre pour garder en mémoire le visage de Liliane, menacée car trop ressemblante à une Tutsi et le fait que son père n’est pas intervenu pour la secourir: il était « pétrifié« . (NDR. Et alors, où veut en venir l’avocat? Une plaidoirie vraiment utile pour son client? Les jurés auront-ils été éclairés par cette intervention? On peut en douter.)
Monsieur le président, avant de suspendre l’audience, rappelle que, demain, à 9 heures, la parole sera donnée une dernière fois à l’acccusé. Puis il communiquera les questions qui seront posées aux jurés. C’est alors que la cour se retirera pour délibérer.
Jade KOTTO EKAMBI, bénévole.
Mathieu PEREZ, bénévole.
Alain GAUTHIER, président du CPCR.
Jacques BIGOT, pour les notes, la relecture et la mise en page.