Fin des réquisitions de l’avocat général, Bruno Sturlese: perpétuité requise contre Simbikangwa

Fin des réquisitions de Bruno Sturlese.

La journée se termine par la fin des réquisitions de l’avocat général. Deux questions se posent :

–          Comment qualifier pénalement le comportement coupable de Simbikangwa ?

–          Quelle sanction faut-il envisager ?

La première question est d’ordre juridique. Pour condamner Simbikangwa, il faudra qualifier pénalement ces faits. L’ordonnance de mise en accusation des juges d’instruction, l’OMA, considérait que deux crimes devaient être reprochés à Simbikangwa : complicité de crime de génocide et complicité de crime contre l’humanité.

De rappeler que c’est la première fois qu’une cour d’assisses française va statuer sur le chef d’accusation de génocide, d’où certains atermoiements. « Votre décision fera date, confie-t-il à la cour. Pour l’avenir, pour les futurs dossiers, il est important de donner l’exacte qualification des faits. Vous avez le pouvoir de requalifier les faits par une question subsidiaire. »

 L’avocat général, pour justifier cette demande de requalification, en passant de complicité de génocide à génocide, fait la distinction entre le crime de génocide et le crime contre l’humanité.

Le génocide, crime contre l’humanité par excellence, est la résultante d’une organisation collective, d’un plan concerté, ici contre les Tutsi, qui doit tendre à la destruction totale ou partielle d’un groupe social, racial, religieux… Le mobile réside dans le fait qu’on veuille participer à l’extermination de ce groupe.

Le crime contre l’humanité répond à une définition quelque peu différente : il s’agit d’une pratique massive d’extermination contre une population civile.

Les crimes de Simbikangwa s’inscrivent dans le cadre de l’extermination de la population tutsi, mais aussi dans celui du massacre ou de la répression contre des Hutu d’opposition ou d’autres victimes civiles. Il est donc indispensable de retenir le cumul de ces deux incriminations.

Concernant la nature de la participation de Simbikangwa à ces deux crimes. Les juges d’instruction demandaient d’étudier les crimes de Simbikangwa en rapport avec la complicité : c’est incontestable pour les crimes contre l’humanité. « Vous condamnerez donc Simbikangwa pour complicité de crimes contre l’humanité à Kigali, mais pas à Gisenyi ! (cette distinction des lieux ne satisfait pas du tout les parties civiles, ndlr).

Pour ce qui est du génocide, c’est différent. Doit être condamné pour génocide celui qui commet, mais aussi celui qui fait commettre le génocide. Et de préciser que l’article 212/1 du code pénal efface la distinction entre l’auteur et le complice. La responsabilité du complice est la même que celle de l’auteur. « Exécutants et instigateurs sont tous des génocidaires. »

Simbikangwa doit donc être considéré comme un instigateur, plus qu’un complice. « Je vous invite à requalifier dans ce sens pour remettre Simbikangwa à sa véritable place pénale », conclura l’avocat général.

Concernant la sanction. La responsabilité de Simbikangwa est d’autant plus écrasante qu’elle est non assumée. C’est le sale boulot laissé au petit peuple, aux gardiens des barrières. Simbikangwa est tout, sauf un petit. L’avocat rappelle l’immense responsabilité de Simbikangwa dans ce génocide. Et ce ne sont pas les quelques Tutsi qu’il aurait sauvés qui ne sauraient diminuer le poids énorme sa responsabilité. D’autant que « Simbikangwa n’éprouve aucun remords. Il a refusé de se repentir et cela l’a contraint à tenir des propos insoutenables qui ont rouvert les plaies des victimes. Jamais le langage de l’émotion, jamais d’empathie sauf sur lui-même, sauf sur lui-même ou sur ses proches ».

S’adressant au prévenu : « Vous n’avez pas voulu tomber votre masque d’inhumanité. Les crimes que vous avez commis ébranlent les fondements de la société. »

Et de conclure : « La loi, de façon universelle, punit ces crimes de la peine la plus lourde : la réclusion à perpétuité. »

Et à la Cour : « La cour d’assises de Paris juge toutes sortes de criminels. Vous ne pouvez pas prononcer une peine comme pour un crime (de droit commun). Par souci de cohérence, alors qu’un tueur d’un diamantaire a été récemment condamné à 25 ans de prison, on ne peut donner à Simbikangwa une peine semblable. Je n’ai rien trouvé chez Simbikangwa pour atténuer la sentence. Je vous demande la réclusion à perpétuité. La société attend de vous un message fort qui fasse sens pour tous, les morts, les vivants, les générations futures. »

Restera à attendre les arguments de la défense ce jeudi, puis le verdict vendredi. Jusqu’où la cour suivra-t-elle les arguments de l’accusation ? Seule une lourde peine nous permettrait de penser qu’en poursuivant Simbikangwa nous ne nous serions pas trompés de cible.

 

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