Kangura s’invite aux assises de Paris

Retour de Kangura aux assises de Paris.

La dernière journée a été marquée par un « incident » regrettable. Alors que le témoin Eric Gillet, avocat au barreau de Bruxelles, terminait sa déposition, un des avocats de Pascal Simbikangwa, maître Alexandra Bourgeot, à court d’arguments,  a osé s’adresser au témoin en ces termes : « Vous aviez des relations intimes avec des Rwandais ! », mi-question, mi-affirmation. Protestations sur le banc des parties civiles, du côté de l’avocat général et murmures dans la salle. Et d’ajouter, avec une certaine malice : « Vous aviez une petite amie rwandaise ! » Pour ne pas dire Tutsi !

Comment supporter de telles insinuations dans une cour d’assises où on juge un présumé génocidaire qui a partagé les idées mortifères d’un journal comme Kangura (N° 6 du 6 décembre 1990)  dont on parle depuis deux semaines ? Pour mémoire, voici les deux premiers « commandements du muhutu » :

  1. Tout Muhutu doit savoir que Umututsikazi  [une femme tutsi] où qu’elle soit, travaille à la solde de son ethnie tutsi. Par conséquent est traître tout Muhutu qui épouse une Umututsikazi, qui fait d’une Umututsikazi sa concubine, qui fait d’une Umututsikazi sa secrétaire ou sa protégée.
  2. Tout Muhutu doit savoir que nos filles Bahutukazi sont plus dignes et plus conscientes dans leur rôle de femme, d’épouse et de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes  secrétaires et plus honnêtes !

Cela n’est pas sans nous rappeler aussi les propos de Pierre Péan dans son livre « Noires fureurs, blancs menteurs » (à ne pas lire). Voici un extrait de la lettre que je lui adressais le 5 janvier 2007 :

« Prenant la relève du Journal Kangura de sinistre mémoire, vous n’hésitez pas à affirmer (p.44), en parlant des organisations internationales auprès desquelles les « associations de Tutsi hors du Rwanda ont fait un très efficace lobbying », que « d’aucuns, parmi leurs membres, ont su garder de très belles femmes tutsi vers des lits appropriés ». De tels propos sont intolérables et vous discréditent. Non content de nous insulter, vous transformez nos épouses en putains ! Comme dit le proverbe chinois : « Il n’y a que la bouche qui vomit qui sent mauvais ».

Il est donc normal que les propos de maître Alexandra Bourgeot aient choqué, dans la salle, président, avocats, avocat général et public. Un rappel à la dignité aurait pu lui être fait avec une grande fermeté. Ce sont des propos de la même veine qui ont conduit au génocide. Souhaitons qu’il ne s’agisse là que d’un simple dérapage et que la leçon soit comprise par la défense. Aux assises comme ailleurs, tout n’est pas permis, et peut-être encore moins dans la bouche d’une femme !

 

                                     

 

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