M. Kouchner réclame un pôle judiciaire « crimes de guerre »

Le prêtre rwandais Wenceslas Munyeshyaka et l’ex-préfet Laurent Bucyibaruta, poursuivis pour génocide et crimes contre l’humanité, devraient être jugés par une cour d’assises en France.

Dans un courrier adressé, le 30 avril, à la ministre de la justice, Rachida Dati, et dont Le Monde a pris connaissance, le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, plaide pour la mise en place d’un « pôle crimes de guerre » sur le modèle du pôle antiterroriste et du pôle financier, qui serait « chargé d’enquêter, instruire et poursuivre les infractions les plus graves au droit international humanitaire telles que le génocide, les crimes contre l’humanité, etc. ».

Le projet serait constitué d’une équipe de trois juges d’instruction, d’enquêteurs, d’experts et d’interprètes et instruirait les affaires de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. « Ce type d’affaires nécessite à l’évidence(…) une connaissance très approfondie, historique et géopolitique du contexte dans lequel ces crimes ont été commis, que seule la constitution d’une unité de juges d’instruction spécialisés devrait permettre », écrit le ministre.

L’idée a émergé avec le renvoi, en novembre 2007, de deux dossiers à la justice française par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le prêtre Wenceslas Munyeshyaka et l’ancien préfet Laurent Bucyibaruta, réfugiés en France, auraient dû être jugés par le TPIR qui siège à Arusha, en Tanzanie, mais les Nations unies ont demandé au tribunal de clore ces procès d’ici à 2010. Faute de pouvoir juger tous les accusés dans les temps impartis, le TPIR tente de transférer ses propres dossiers vers des juridictions nationales.

Paris a donc hérité de ces deux premiers dossiers. Une instruction avait déjà été ouverte, en France, contre les deux hommes pour leur participation présumée au génocide de 1994. Mais la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, le 8 juin 2004, pour la lenteur de ses procédures.

Réseau européen

A l’époque, Paris, pointé pour son soutien au régime rwandais en place jusqu’en 1994, ne souhaitait pas s’emparer de tels dossiers. Selon un responsable au Quai d’Orsay, « le risque d’être cette fois visé par le Conseil de sécurité des Nations unies », devant lequel le TPIR doit répondre des procédures en cours, « est réel ». Excepté pour les cas de tortures ou pour les auteurs de crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie ou le génocide au Rwanda, la France n’a pas compétence universelle pour poursuivre les auteurs de tels crimes. Elle ne peut engager de procès que si les victimes sont françaises.

Plusieurs Etats de l’Union européenne, tels la Belgique, les Pays-Bas ou le Danemark disposent déjà de leur propre « cellule crimes de guerre ». Le Conseil de l’Union européenne avait voté, en 2003, la création d’un réseau européen dans l’objectif de ne pas faire de l’Europe une terre d’asile pour les criminels en fuite.

Stéphanie Maupas
Journal Le Monde du 26/05/2008

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