Plaidoiries de la défense. Florilège de l’avocate de Ngenzi.

Impossible, dans les conditions actuelles, de faire un compte-rendu des plaidoiries de la défense de messieurs NGENZI et BARAHIRA. C’est maitre MEILHAC qui, le matin, a plaidé pour BARAHIRA. Simplement quelques florilèges dans la plaidoirie de maître MATHE, avocate de NGENZI, qui a duré près de 6 heures.

Dessin d’Annabelle GIUDICE
Dessin d’Annabelle GIUDICE

 » Nous avons entendu des témoignages de criminels que je me refuse d’appeler des bourreaux. »

 » Monsieur GUICHAOUA a été cité au procès SIMBIKANGWA, mais il paraît que ça n’a pas plu » (cet expert a refusé de venir témoigner car il était cité par la défense).

 » Procès BAGOSORA au TPIR: un coup de pied dans la théorie de la préparation du génocide. »

A propos de la distribution de machettes à Rubira:  » On équipe des paysans, pas des tueurs. »

« J’ai l’impression qu’il y a des génocides au Rwanda, pas un double génocide, mais des génocides régionaux! »

« RWAGAFILITA, membre de l’Akazu, mais il ne fait pas partie des Compagnons du 5 Juillet. » (NDR: personne n’a jamais dit que RWAGAFILITA avait été promu officier dans l’ordre de la Légion d’Honneur en France. Décoré aussi de l’Ordre de Léopold II en Belgique, promu commandeur!)

A propos du nombre de témoins qui ont défilé à l’audience:  » C’est une stratégie de l’accusation qui a préféré la quantité à la qualité! »

A propos de CYASA, témoin en détention à Nsinda et entendu en visioconférence:  » Au Rwanda, CYASA est devenu un substantif. Pour désigner un « menteur », ou pire encore un « tueur de masse », on dit un « cyasa »! »

A propos de l’épisode des chèvres de Titiri:  » Les chèvres de Titiri, c’est la phrase mythique de l’Apocalypse de BAGOSORA. » (NDR: allusion à la phrase de BAGASORA, que l’avocate qualifie de mythique: « Je rentre à Kigali pour préparer l’apocalypse. »

« L’accusé a droit à un procès irréprochable. Le doute est au cœur du procès pénal et on (les parties civiles) me reproche de vouloir distiller ce doute? »

« En 1994, le FPR a pris le pouvoir dans le sang! »

Jardin de la mémoire, Parc de Choisy, Paris
« EN 1994 au Rwanda, plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants ont été exterminés en trois mois car nés Tutsi » : Jardin de la mémoire inauguré par Anne Hidalgo, Maire de Paris, le 7 avril 2016 dans le Parc de Choisy.

 » 1 000 000 de morts en 100 jours! Des chiffres qui claquent! C’est de la propagande. » Et l’avocate de minimiser le nombre de victimes du génocide:  » Il n’y avait que 800 000 Tutsi au Rwanda, il n’y a donc pas eu plus de 600 000 morts tutsi et 300 ou 400 000 qui ne sont pas des morts du génocide. »

 » Les variations du nombre de morts par l’abbé INCIMATATA, c’est de la propagande. »

 

 

« Les témoins vivent dans un pays qui est une dictature ethnique. »

Faisant allusion à son séjour au Rwanda en 1997:  » Dans la région de Butare, j’ai localisé un cachot à l’odeur! » Elle avait évoqué auparavant la situation des détenus, dans les cachots du Rwanda, atteints de gangrène à force des rester debout.

 » Les témoins, (tueurs et rescapé), ont construit un discours commun pour leur permettre de continuer à cohabiter. »

Ou encore:  » Les tueurs savent qu’ils sont dans le camp des vaincus et ils construisent avec les rescapés une histoire commune. »

« Les témoins? Des porte-manteaux en beaux costumes mis le matin. » (NDR: beaucoup de témoins venus du Rwanda portaient un costume neuf)

« INCIMATATA, c’est un personnage qu’on trouve dans les romans! »

 » Des personnages émouvants, il y en a dans tous les romans. »

 » Les veuves, les rescapés, c’est le capital politique au Rwanda! »

« Les exilés qui ont fui le Rwanda construisent aussi une histoire, celle des vaincus! »

 » NGENZI ne mérite pas le procès en sorcellerie qu’on lui fait… Il n’est ni Judas, ni traître! »

 » La justice internationale n’est pas celle des vainqueurs. Il y a des vainqueurs dans les parties civiles… il y a des politiques ». (le CPCR).

« Le combat du CPCR est un combat politique! »

« Monsieur GAUTHIER est un moteur » dans la théorie du complot.

Faisant allusion à un article du journal L’Humanité qui présente les GAUTHIER comme des « chasseurs de génocidaires », elle ajoute que « les époux GAUTHIER s’identifient aux KLARSFELD! »

Le président va interrompre momentanément la plaidoirie de maître MATHE, ce qui ne doit pas arriver très souvent dans un procès, pour lui faire remarquer qu’elle plaide depuis 5 heures déjà!

Et l’avocate de s’interroger pour la énième fois sur le fait de savoir qui  » exerce une influence aujourd’hui à Kabarondo! »

S’adressant aux jurés:  » Vous devez être prudents, précautionneux, et conserver l’amour des hommes! »; Ce sera son dernier message.

Ces quelques notes ne sont pas un compte-rendu. Je ne sais si j’aurai le courage de rédiger un texte sur les plaidoiries de la défense. Quelques commentaires personnels cependant. Pendant sa plaidoirie, maître MATHE a passé beaucoup, beaucoup de temps à donner aux jurés sa version de l’histoire  du Rwanda. Elle aurait pu rajouter son nom aux quatre « experts » qu’elle reconnaît plus haut. Rien, si mes souvenirs sont fidèles, sur l’année 1931, et la création des cartes d’identité portant la mention ethnique. Mais peut-être avais-je déjà décroché à ce moment-là et renoncé à prendre des notes.

Concernant la fin des années 50, évoquant le document « La réaction au manifeste des Bahutu » qu’elle rapproche du « Protocole des Sages de Sion » à ma connaissance, il y a longtemps que ce document a été reconnu comme étant « un faux ». Aucune allusion, dans le rôle joué par l’Eglise à cette même période, à monseigneur PERRAUDIN, évêque suisse qui a réussi à porter son poulain KAYIBANDA à la présidence de la République et qui a joué un rôle central dans l’avènement de la révolution sociale.

Très peu de place, dans cette plaidoirie, pour les faits reprochés à NGENZI, surtout lorsque ce denier nageait dans la plus totale des incohérences. On aurait aimé avoir des explications en particulier sur l’emploi du temps de NGENZI le 13 avril, jour des massacres de l’église. NGENZI, selon ses dires, a passé plusieurs heures devant la commune, lui « le complice du FPR« , à attendre une mort qui ne viendra pas! Entouré de militaires, de gendarmes et d’Interahamwe qui le détestaient tous! Tout cela pour « sauver sa famille« ! Il est vrai qu’il valait mieux passer sous silence un tel emploi du temps. Idem pour la visite à l’évêché où NGENZI s’est rendu pour négocier personnellement la rançon de l’abbé Papias. La version donnée par l’accusé était loin de tenir la route. Monseigneur Philippe RUKAMBA, témoin de la scène, a bien vu NGENZI en personne, portant un pistolet à la main gauche et négocier avec d’autres prêtres. Là aussi, mieux valait passer rapidement.

Et que dire enfin quand, à deux reprises, se retournant vers son client, elle va le regarder longuement dans les yeux, dans un silence pesant, jusqu’à en avoir elle-même les larmes aux yeux. Les jurés avaient-ils besoin d’être attendris. J’en ai personnellement ressenti une grande gêne. Il est vrai qu’une Cour d’assises est aussi un théâtre où il faut convaincre mais aussi émouvoir. Pas sûr qu’elle en obtienne l’effet escompté!

Le verdict est attendu dans la journée du mercredi 6 juillet!

Alain GAUTHIER, « partie civile politique ».

 

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Auditions de Laetitia HUSSON (juriste au TPIR), Ignace MUNYEMANZI, le général Jean VARRET, Michaela WRONG et Erasme NTAZINDA (maire du district de NYANZA). Lecture de l'audition de Jacques SEMELIN.