Procès en appel de Sosthène MUNYEMANA: jeudi 2 octobre 2025. J 13

Cette première version de compte-rendu sera revue et complétée, nous vous invitons à revenir sur cette page ultérieurement.



L’audience débute à 9h10. Le président commence par indiquer que le témoin cité par la défense, Monsieur Martin KAGERUKA est actuellement dans un état critique, de sorte qu’il ne pourra venir témoigner pour le moment.

Les avocats de la défense font remarquer qu’en tant que témoin cité par elle, elle souhaite qu’un justificatif soit produit.


Audition de madame Josépha MUJAWAYEZU, amie de la famille de l’accusé.

Josépha MUJAWAYEzU est appelée à la barre pour témoigner. Ce témoin est également cité à comparaître par la défense. Il lui est demandé de décliner son identité (Josépha MUJAWAYEZU), son âge (61 ans) sa profession (infirmière) et son domicile (Belgique).

Le président indique que le témoin est présent dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de sorte qu’elle ne prêtera pas serment.

Le témoin déclare spontanément :

En 1994, moi j’étais à BUTARE, j’habitais à TUMBA. La famille de Sosthène MUNYEMANA était mes voisins et je les connaissais très bien. Moi je venais d’arriver là bas en 1992. J’ai d’abord habité quelques mois à CYARWA avant d’habiter TUMBA, et j’arrivais de Belgique. Ce qui s’est passé en 1994 a été un choc. Un choc car des voisins et connaissances étaient tués ou se transformaient en tueurs. La seule chose que je peux affirmer, c’est que Sosthène MUNYEMANA n’a jamais été anti-tutsi, et n’est jamais devenu un tueur. Je ne l’ai jamais entendu dire quelque chose de négatif ou de haineux à l’encontre des Tutsi. Au contraire, à cette période il a tout fait pour les protéger, avec les moyens qui étaient ceux des citoyens. Il protégeait les gens. À TUMBA, les natifs nous avaient dit que pendant les pogroms des années antérieurs – 1959 et 1963 -, les gens ne se sont jamais entretués à TUMBA. Donc pour eux, cette fois-là aussi ça allait se passer de la sorte. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé. Quand l’avion du président a été descendu, on l’a entendu le lendemain à la radio. On a entendu que les gens avaient commencé à s’entretuer à KIGALI. Je dois avouer aussi qu’on attendait un peu trop, malheureusement, de la nébuleuse communautaire internationale.

Le témoin poursuit :

Contre toute attente, on nous a dit que la MINUAR (Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda) se retirait, et personnellement je n’ai pas compris. Parce que dans d’autres régions, quand il y a des problèmes, on envoie les militaires alors qu’ici ils se sont retirés. Je n’ai pas compris, parce que même quand les tueries ont commencé à BUTARE, il y avait encore des gens dans les maisons des gens de la MINUAR. Je pensais qu’ils étaient encore présents. Ce qui s’est passé, je n’ai pas compris. Ensuite il y a eu l’opération Turquoise (NDR : opération militaire autorisée qu’à partir du 24 juin 1994 et non durant le génocide). La communauté internationale n’a rien fait pour la protection des gens, qui auraient pu être sauvés. C’étaient des décisions bizarres.

Pour ce qui est de BUTARE, surtout à TUMBA quand les massacres ont commencé, il y avait des gens des autres communes qui venaient attaquer. Ce ne sont pas les gens du même secteur qui se sont entretués. Il y avait des attaques extérieures qui venaient à TUMBA. On a eu une réunion du conseiller de secteur le 17 avril 1994 qui a convoqué tout le monde. Donc au secteur, toutes les personnes qui voulaient participer – il y avait une salle où Hutu et Tutsi se sont réunis – le pouvaient, et les gens ont parlé de leur sécurité. Ils se posaient des questions sur comment survivre. Ils voyaient que ce n’était pas la même chose qui se passait avant, et se faisaient agresser par des gens en dehors de leur propre secteur. Donc les gens ont proposé de faire des rondes de protection pour que les gens de l’extérieur ne viennent pas tuer. C’est pour ça qu’il y avait des Tutsi et des Hutu dans ces rondes. Et à partir de ce moment-là, il y a eu des rondes. Les rondes, c’est culturel en fait : chaque fois au Rwanda quand ça ne va pas, on fait des rondes pour essayer de faire quelque chose. Jusqu’à maintenant, les rondes existent encore et n’ont jamais été arrêtées. C’est tellement institutionnalisé qu’il faut payer pour justifier le fait de ne pas faire de ronde.

Sosthène MUNYEMANA a donc fait des rondes mixtes, il y avait vraiment une équipe de Hutu et Tutsi. Mais ça n’a pas duré longtemps car le 21 avril au matin, mon mari et moi avons entendu des coups de feu et on ne savait pas qui avait tiré, ni sur qui on avait tiré, ni ce qu’il se passait. C’est vers 9h, 9h30 qu’on a appris que les militaires ont tué un certain Philippe, qui était à la réunion. C’était quelqu’un qui avait beaucoup parlé pour les rondes. C’est à partir de ce moment-là que tout a dégénéré. Les miliciens, en suivant les militaires, ont commencé à tuer certaines personnes comme ça. Parfois ils se battaient, mais c’était surtout contre les Tutsi. Il y a des Hutu modérés qui se sont fait tués, et à TUMBA c’est surtout des Tutsi qui ont été tués à ce moment-là. Les rondes ont continué, il y avait toujours des Hutu et Tutsi pendant les massacres. Les gens étaient tués, et parfois on se couchait et le lendemain il n’y avait plus personne. Donc les rondes sont parties en queue de poisson, et les Tutsi devaient se cacher. Entre-temps, dans d’autres régions où il y avait la guerre, les gens ont fui les massacres et ont commencé à arriver à BUTARE.

Comme BUTARE était resté calme depuis plus longtemps, les gens quittaient KIGALI vers BUTARE et racontaient les massacres qui se passaient. C’était un méli-mélo, on ne savait pas trop qui était tué, ils s’entretuaient. Il y avait pas mal de réfugiés, et c’est comme ça qu’on a eu des gens dans la cour du bureau du secteur. Comme les tueurs étaient souvent avec les pilleurs, il y avait des pilleurs qui se sont transformés en tueurs, parce qu’ils voulaient garder les biens des Tutsi qui avaient été tués. Les survivants n’avaient plus de maison, donc les enfants et les femmes se sont regroupés au bureau du secteur. Ceux qui venaient de KIGALI ou ailleurs venaient rejoindre ceux qui étaient au bureau de secteur et le nombre augmentait au fur et à mesure. Le gros souci qu’il y avait, c’est que les miliciens du soir venaient chercher des gens, surtout les survivants de TUMBA qui étaient là. Ils venaient chercher les filles et les jeunes enfants. Les gens étaient là le soir, et ils avaient disparu le matin. Ils étaient tués en fait. Les gens étaient tués et nous avec Sosthène on se disait “mais qu’est-ce qu’on peut faire pour ces gens”? Et Sosthène MUNYEMANA se demandait “que peut-on faire pour que ces gens ne soient pas tués dans cette cour ? On les laisse se faire tuer comme ça ?”. C’est comme ça que le conseiller a donné une clef pour que les gens soient dans la salle du bureau de secteur. Juste pour ceux qui le voulaient, ce n’était pas une obligation. Mais si la porte restait ouverte c’est comme s’ils étaient dans la cour et les miliciens pouvaient entrer et sortir comme ils veulent. Donc du coup, ils ont décidé de les enfermer. Je ne sais pas qui a décidé de donner la clef à Sosthène MUNYEMANA, mais comme c’est quelqu’un d’intègre en qui on avait confiance, – autant les Hutu que les Tutsi -, il a récupéré la clef et pouvait ouvrir si quelqu’un voulait entrer ou sortir. C’est comme ça que Sosthène MUNYEMANA a eu la clef du bureau du secteur. A un moment donné, chez Sosthène MUNYEMANA, il y avait des gens cachés, et des réfugiés qui étaient arrivés chez lui. Il y avait un monsieur et son épouse qui étaient chez lui, c’était KAVARUGANDA”.

Le témoin continue ses déclarations :

“A part ce monsieur, on a eu le cas d’Innocent (il s’agit d’Innocent HATEGEKIMANA, surnommé KIRUSHA. C’est le petit frère de Vincent HABYARIMANA venu témoigner la veille), un voisin. Au début il ne s’est pas caché, il a participé aux rondes et se sentant menacé il a commencé à se cacher. Je me souviens que le matin, je le trouvais dans la cour de chez moi et qu’il en avait marre de se cacher. Un jour, il a été attaqué et a reçu un coup de machette sur son épaule. Les miliciens l’ont suivi jusque chez Sosthène MUNYEMANA, mais il n’y avait qu’un portail en bois. Donc les miliciens voulaient récupérer monsieur KIRUSHA. Sosthène MUNYEMANA leur a demandé pourquoi, mais il ne leur a pas ouvert”.

(NDR : Se reporter à l’audition de Vincent HABYARIMANA concernant son frère. La version donnée par celui-ci, présent aux côtés de son frère, est très différente).

Le témoin poursuit : “Ce n’est pas facile de se cacher tout le temps et psychologiquement c’était dur de ne pas voir la fin des choses. Donc KIRUSHA a voulu mettre fin à sa vie et il a utilisé de l’acide dans les piles. Il a mis l’acide dans de l’eau et il a bu. Ça lui a brûlé l’estomac. Il criait de douleurs, mais malheureusement on ne pouvait pas l’emmener à l’hôpital. Il était Tutsi donc il ne pouvait pas passer les barrières. Donc Sosthène MUNYEMANA, mon mari et moi, on s’est débrouillé pour essayer de le sauver. Sosthène MUNYEMANA et mon mari sont allés chez la belle-famille de KIRUSHA pour aller chercher du lait. On n’avait plus rien, ni eau, ni lait. Ils sont allés chez quelqu’un pour aller chercher du lait, et on a mis avec le charbon pour essayer de basifier son estomac. On a pu le sauver et on lui a dit” maintenant tu es sauvé. C’est dur mais tu restes chez toi et tu fais le mort. Tu bouges plus”. Grâce à Sosthène MUNYEMANA, il a été sauvé et il est mort de maladie par la suite.

En sortant de chez lui, on a croisé des miliciens qui nous ont menacé parce qu’on était en train de le soigner. On leur a dit qu’on était médecins et infirmiers, et qu’on ne tue pas, nous on sauve les gens. Il fallait donc avoir le courage de protéger. Chaque fois que je quittais la maison, je disais adieu à mon mari et mes enfants. Et tout d’un coup, des inconnus venaient chez vous, faisaient les fous et regardaient s’il n’y avait pas d’autres personnes. Avec Sosthène MUNYEMANA on avait convenu que s’ils commencent chez lui, il nous avertissait, pour qu’on puisse cacher ceux qui étaient chez nous.

Sosthène MUNYEMANA savait que chez moi des Tutsi étaient cachés. On avait une famille qui venait de KIGALI, le cousin de mon mari et son épouse. Ils sont arrivés tard, et d’autres personnes étaient chez moi. A un moment donné, nous étions 15 dans ma maison de 3 chambres. Donc ce n’était pas évident de prendre d’autres personnes parce que pour cacher il faut les moyens de le faire. Par exemple, une fille, Marie rose, chez moi, était au bureau de secteur mais je ne pouvais pas la reprendre chez moi. Ils étaient désespérés et ont menacé de dénoncer les membres de leur famille enfermés chez nous. C’est pour dire que pour cacher les gens, ce n’était pas évident.

Vers 2 ou 3h du matin, on a entendu toquer sur le portail, et on s’est dit “ ils sont là pour nous, c’est terminé, c’est notre tour”. On est sortis et puis on a vu ces miliciens avec une maman couverte de sang. La tête est un endroit qui saigne beaucoup et ils nous ont dit de donner 20.000 francs rwandais pour nous la laisser. On ne les avait pas mais on l’a prise quand même. Ils ont dit qu’ils ne reviendraient pas si on leur donnait de l’argent. Donc on a appelé Sosthène MUNYEMANA, on lui a expliqué la situation, on lui a demandé des sous. Il nous a apporté de l’argent alors qu’il ne connaissait pas cette femme. Il est venu et on a payé les miliciens qui ont laissé cette dame. On la soignait, donc il passait la voir. Il avait des antibiotiques, nous non. Pour quelqu’un qui détestait les Tutsi, je trouve que ses réactions n’avaient rien à voir. On ne donne pas son argent comme ça pour secourir un inconnu sans être bon. Lui, il était gynéco et la dame avait été violée. Nous on ne le savait pas et c’est lui qui l’a appris. C’est dur pour moi de me dire qu’il est là comme un génocidaire et de l’intérioriser. Je me dis que c’est une médaille qu’il aurait dû avoir, et pas les barreaux et les menottes. Tout cela il était au courant et vraiment je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quelqu’un parce qu’il est Tutsi. Il ne disait jamais de mal tout court”.

Sur questions du président, le témoin précise que ses parents étaient Hutu, et qu’elle l’est aussi. Elle ajoute qu’elle se considère toujours Hutu. Elle explique que la distinction Hutu – Tutsi sur les pièces d’identité ne lui a pas posé question. Elle précise que son mari était médecin et que celui-ci donnait des cours avec l’accusé. Elle explique que sa maison était environ à 200 m de chez Sosthène MUNYEMANA.

S’agissant du début du génocide, elle explique que Sosthène MUNYEMANA était au MDR, tandis que le témoin et son mari étaient sympathisants du MDR. Elle précise être allée dans un meeting du MDR, ainsi que du PSD. Elle souligne que c’était un passe-temps. Elle précise qu‘au seul meeting où elle a été, elle était avec Sosthène MUNYEMANA et explique ne pas se souvenir que l’accusé était habillé aux couleurs du parti. Elle indique ne l’avoir jamais entendu parler durant ce meeting et qu’il ne faisait pas partie du bureau ni des cadres, de sorte qu’il n’avait pas de rôle actif selon elle. A la question de savoir comment le parti avait évolué, elle explique qu’en 1993, après le décès du président du Burundi NDADAYE Melchior, il y avait une forme de tension et de division. Elle explique que “ce que l’Europe appelle les modérés, sont les pros FPR et les Power étaient contre FPR puis contre les Tutsi. Mais pour moi ce n’était pas comme ça car être modéré ne veut pas dire nécessairement pro-FPR.”. S’agissant de Sosthène MUNYEMANA, le témoin déclare qu’il n’était pas power.

Le témoin poursuit en expliquant que les réfugiés arrivent à BUTARE environ à la première quinzaine d’avril 1994 et qu’elle ne captait pas la radio RTLM.

S’agissant de la réunion du 17 avril 1994, le témoin confirme qu’il y avait à la fois des Hutu et des Tutsi, et que le conseiller de secteur François BWANAKEYE présidait la réunion. Le témoin explique que Sosthène MUNYEMANA a parlé durant cette réunion, mais ne se souvient pas de ce qu’il a dit. Elle ajoute qu’aucun propos anti-tutsi n’a été prononcé lors de cette réunion et qu’il n’y avait aucune tension. A la question de savoir si le témoin avait connaissance de la participation de l’accusé à des réunions avec RUGANZU ou MAMBO, le témoin explique que RUGANZU et Sosthène MUNYEMANA se sont côtoyés sans qu’il s’agisse de réunions, et qu’elle n‘a jamais entendu parler du reste.

Le témoin indique d’abord ne pas connaître le bar de RUGANZU. Puis après trois questions à ce propos, elle explique que c’est le mot “bar” qu’elle ne comprenait pas, mais que RUGANZU vendait de la bière chez lui.  Elle explique être allée chez lui et son mari aussi, sans savoir si son mari (MUSEKERA Justin) est allé au bar de RUGANZU. Elle dit ne jamais avoir entendu parler du bar de RUGANZU, ni de réunions dans ce lieu.

S’agissant des barrières, le témoin explique qu’elle a entendu parler de la statue de la vierge mais ne l’a jamais vue. Elle précise qu’il n’y avait pas de barrière à proximité du domicile de Sosthène MUNYEMANA. Elle explique n’avoir jamais vu Sosthène MUNYEMANA sur une barrière mais l’avoir vu participer à des rondes, ainsi que son mari. Elle explique que Sosthène MUNYEMANA n’était pas armé durant ces rondes. Elle ajoute que les rondes par la suite ne correspondaient plus aux rondes initiales car elles étaient composées de miliciens. Elle explique n’avoir jamais entendu dire que des Tutsi aient pu être arrêtés durant les rondes de l’accusé.

S’agissant des clefs du bureau de secteur, le témoin explique que la première fois qu’elle a entendu parler des personnes autour du secteur était autour du 22 ou du 23 avril 1994. S’agissant des réfugiés de MUSANGE, le témoin explique n’en avoir jamais entendu parler.

Elle indique qu’elle ne connaît pas non plus le processus ayant conduit l’accusé à avoir la clé. Elle indique que “c’est peut-être parce que le conseiller avait confiance”.

Lecture est faite de l’audition du témoin, où le témoin a  dit que le conseiller avait donné la clef à Sosthène MUNYEMANA car il s’impliquait dans la protection des réfugiés. Lors de sa seconde audition, le témoin a déclaré que RUGANZU, elle et son mari, Sosthène MUNYEMANA et un certain David avaient décidé de confier la clef à l’accusé. Lorsque le témoin est interrogé, elle explique qu’elle ne sait plus, puis finalement qu’il ne s’agissait que d’elle, de son mari et de Sosthène. Elle finit par dire qu’en réalité, ce “n’était pas une décision mais une réflexion entre amis. Plus un questionnement personnel dans un salon quand on discute entre amis”.

Elle explique ensuite que la réflexion de RUGANZU était pour protéger les gens. Elle indique que RUGANZU était plus proche du bureau de secteur que Sosthène MUNYEMANA et qu’il était respecté. A la question de savoir pourquoi ce n’est pas RUGANZU qui avait la clef, elle explique que c’est la décision du conseiller. Le témoin explique que le bureau de secteur était le bureau du MRND, et à la question de savoir si les portes fermées suffisent à arrêter les Interahamwe, elle répond par l’affirmative.

A la question de savoir si les Tutsi enfermés étaient nourris et soignés, le témoin explique ne pas y être allé, mais qu’une cousine à elle y est allée en passant la nourriture par les barreaux. Elle explique qu’elle a su qu’ils étaient “désespérés et attendaient la mort”. Elle précise qu’elle ne sait pas si Sosthène MUNYEMANA a pu les soigner ou les nourrir. Elle précise n’avoir jamais entendu qu’il y avait des blessés à l’intérieur. Elle conclut en indiquant “qu’un jour, le bourgmestre a envoyé une camionnette pour les récupérer et ils ont tous survécus au génocide”. Elle ajoute “ vous savez, qu’ailleurs, dans d’autres locaux administratifs, des personnes ont été brûlées vives ou sont mortes à coups de grenade”. A la question de savoir s’il était possible selon elle pour les Tutsi de rester vivant en étant ainsi regroupés, le témoin dit qu’elle “l’espérait et je comptais sur l’opération turquoise” (NDR : Nous sommes au mois d’avril 1994. L’opération turquoise date du 24 Juin 1994.)

Il est demandé au témoin de réagir sur le témoignage d’une partie civile qui a témoigné sur ses conditions de détention. Elle explique “n’avoir jamais entendu cette histoire de personnes blessées”.

S’agissant des personnes qu’elle dit avoir sauvées, elle explique qu’elle ne sait pas s’ils auraient été plus en sécurité chez elle qu’au bureau de secteur. Le témoin indique qu’un dénommé KABARISA a été caché chez Sosthène MUNYEMANA, “mais n’est pas en mesure de donner d’autres noms” concernant des Tutsi cachés par l’accusé.

Sosthène MUNYEMANA demande une suspension d’audience à 10h50. Elle reprend à 10h53.

Le témoin déclare ensuite qu’elle “trouve bizarre que les plaintes viennent de France, alors qu’au Rwanda Sosthène MUNYEMANA était considéré comme un héros à la fin du génocide”. Le témoin confirme que selon elle, l’accusé “est un héros et que les victimes ont reçu des directives”, sans être en mesure de donner la moindre explication ni la moindre précision. Le témoin indique à la cour être toujours en contact avec la famille de Sosthène MUNYEMANA.

Sur questions de la cour, le témoin explique que Sosthène MUNYEMANA a sauvé des enfants en les faisant sortir du bureau de secteur.

Sur questions des avocats des parties civiles, le témoin explique d’abord qu’il n’existait aucune barrière à TUMBA.

L’audience est suspendue à 11h50 et reprend à 12h00.

Le témoin poursuit sur questions des avocats des parties civiles, en indiquant que “tout le monde savait que Sosthène MUNYEMANA cachait des Tutsi. A ce titre, il a été menacé et qu’il a dû fuir pour sa vie”. S’agissant des relations de l’accusé avec Jean KAMBANDA et STRATON, le témoin indique qu’effectivement l’accusé les connaissait.

S’agissant plus particulièrement du premier ministre du gouvernement intérimaire (Jean KAMBANDA), le témoin s’exprime en indiquant “’je pense qu’il n’a pas pu arrêter, ou n’a pas su arrêter le génocide mais je ne souhaite pas entrer dans le détail”. A la question de savoir si REMERA peut être considéré comme génocidaire, elle répond par l’affirmative. En revanche, elle dément s’agissant de RUGANZU.

Le témoin explique ensuite qu’il y a eu une période d’accalmie entre les massacres, mais n’est plus en mesure de donner une période ou une date. Elle explique n’avoir jamais vu de mort à TUMBA durant toute la période du génocide, et que durant la période d’accalmie, il n’y avait qu’une seule barrière à MUKONI. Sur questions des avocats des parties civiles, le témoin déclare “KIRUSHA pouvait circuler librement”. (NDR : Alors qu’il était Tutsi en période de génocide).

Sur questions de l’avocat général, le témoin explique avoir habité dans la cellule de GITWA. S’agissant de ses déclarations spontanées et de l’utilisation des termes “les gens s’entretuaient et c’était un méli-mélo de massacre”, le témoin botte en touche, tout en expliquant que c’est le FPR qui est à l’origine des massacres en 1990, et qu’ils n’étaient pas en reste en 1994. Elle finit par dire “Vous savez, l’histoire n’est pas toujours celle qu’on croit. Galilée s’est fait tuer pour avoir dit que la Terre est ronde !”.

S’agissant du bureau de secteur et du fait qu’il s’agissait selon elle d’un lieu de protection, le témoin explique que dans le bureau de secteur, “il y avait aussi des Hutu qui étaient mis à l’abri et que personne n’a été tué à l’intérieur”.  De sorte que pour elle, cette action a servi à quelque chose et “a contribué à leur sauver la vie”.

A la question de savoir pour quelle raison ne pas avoir demandé les clefs à l’accusé pour ouvrir le bureau de secteur et nourrir les Tutsi plutôt que de passer la nourriture par la fenêtre, le témoin explique “qu’il ne s’agit pas d’un centre de santé mais de sécurité. et puis Sosthène n’était pas toujours là”. A la question de savoir pour quelle raison ne pas avoir soigné les blessés dans le bureau de secteur, elle répond qu’ils “ne savaient pas pour les blessés” et qu’ils” n’avaient aucun matériel pour les soigner”.

Sur questions des avocats de la défense, le témoin explique être toujours infirmière en oncologie. Elle indique n’avoir jamais été poursuivie ni condamnée pour des faits de génocide. Elle explique qu’elle a vu régulièrement Sosthène, jusqu’à sa fuite du Rwanda. S’agissant des rondes, le témoin explique que “ces rondes étaient efficaces, car ce ne sont pas les miliciens qui ont commencés le génocide, mais les militaires”.

Sur les réunions, le témoin répète ce qu’il a déjà dit. Le témoin explique que “les gens venaient volontairement au bureau de secteur et que si quelqu’un ne voulait pas y entrer, personne ne l’y forçait. Et si quelqu’un voulait sortir, il était libre de le faire”.

Les avocats de la défense reposent des questions déjà posées et le témoin apporte les mêmes réponses. Elle conclut en disant avoir perdu des cousins dans le cadre du génocide.

Il est mis fin à l’interrogatoire de Josépha MUJAWAYEZU à 13h23.

On pourra également se reporter à l’audition de madame Josépha MUJAWAYEZU lors du procès en première instance, le 4 décembre 2023.

Audition de monsieur Bosco HABINEZA.

Déclaration spontanée.

Le témoin commence par affirmer que Sosthène MUNYEMANA détenait les clés du bureau du secteur de Tumba., bureau dans lequel on enfermait les Tutsi. Il ouvrait les portes pour livrer les gens qui étaient chargés dans un véhicule, direction KABUTARE. Son père, Innocent ZIBUKIRA et son grand frère Damascène font partie des personnes qui ont été livrées. Il n’a rien à ajouter sur Sosthène MUNYEMANA car il s’est caché à Taba, chez le prénommé Corneille.

Les question de monsieur le président ABASSI vont permettre au témoin de préciser que son père était Tutsi, surnommé METERO (en relation à sa grande taille) et sa mère Hutu. Cinq de ses frères ont été tués. Il connaît Tumba depuis toujours. En 1994, il avait 23 ans. Membre du MRND, il avait adhéré au PSD après la mort de GATABAZI en février 1994. Il n’a pas témoigné contre MUNYEMANA en Gacaca. Par contre, il a témoigné contre MAMBO. A Tumba, la maison familiale a été détruite et reconstruite: elle était située assez près du bureau de secteur (6 minutes environ, à pieds). Il s’est rendu chez Corneille trois semaines après le début des tueries, mais il ne peut donner de date précise à cause des conditions dans lesquelles il vivait.

Son père est mort après avoir été livré à partir du bureau de secteur, transporté dans un véhicule vers la Préfecture. Cela, i l’a appris par beaucoup de témoins dont Gloriose NYIRANGIRUWONSANGA, Marie et Saddam,  » un tueur qui se déplaçait avec le groupe de Sosthène MUNYEMANA. » Il ne connaissait pas KAGERUKA, mais quand on lui a parlé de lui, il l’a identifié. Concernant la mort de son père, il a fait des déclarations contradictoires. Par ses questions, monsieur le président tente d’éclairer la Cour. Le témoin précise qu’il ne connaissait pas Sosthène MUNYEMANA: il a entendu parler de lui en Gacaca.

Chez Corneille, il recevait des visites mais il leur interdisait de révéler où il se cachait. Le témoin évoque un certain PETERO et Alphonsine qui venait de l’h^tel de SYMPHROSE (NDR. L’épouse de Déo dont il a témoin lors d’une audition). Il ajoute qu’on lui avait dit que l’accusé avait les clés du bureau du secteur dont il ouvrait et fermait les portes.  Monsieur le président lui fait remarquer qu’il n’avait jamais parlé de cela et s’en étonne.

Monsieur HABINEZA répond que lors de son audition il a répondu aux questions de la juge. Et plus étonnant:  » L’interprète m’a demandé si je connaissais Sosthène MUNYEMANA. Elle m’a dit que c’est lui qui avait tué mon père. » (NDR. Etonnant qu’une interprète puisse faire une telle révélation. D’ailleurs, lors des question de la défense, maître LEVY  va revenir sur cette révélation pour reconnaître que c’était grave)

Une des deux assesseures lui fait confirmer que tout ce qu’il sait il l’a appris lors des Gacaca.

Monsieur l’avocat général questionne le témoin sur Corneille.  » Il a fui comme les autres à l’arivée des Inkotanyi. Je pense qu’il est au KENYA mais son nom n’a jamais été évoqué dans les Gacaca. »

Revenant sur la mort de son père, il confirme qu’il a été emmené du bureau de secteur au moment de la pacification, début mai. A cette époque, Corneille lui a interdit de sortir. Le témoin est ensuite parti se réfugier à l’évêché de Butare.

On pourra également se reporter à l’audition de monsieur Bosco HABINEZA lors du procès en première instance, le 4 décembre 2023.

Audition de madame Gloriose NYIRANGIRUWONSANGA, partie civile, entendue en visioconférence.

 » Je connais Sosthène MUNYEMANA, dit le témoin dans sa déclaration spontanée. Quand le génocide a commencé, BWANAKEYE a remis les clés du bureau de secteur à Sosthène MUNYEMANA qui a appelé les Interahamwe de MAMBO et leur a donné les clés. Ils enfermaient les gens et on ne les revoyait plus.

Des réunions se tenaient chez Sosthène auxquelles participaient GATABAZI, MUTUBANO et d’autres riches, ainsi que RUGANZU, Simon REMERA Près de chez MUNYEMANA, il y avait une barrière près de la statue de la Vierge. Chez MUNYEMANA, il y avait deux personnes réfugiés qu’i a chassées. Des Interahamwe qui se trouvaient là les ont ligotés. L’un d’eux, KIRUSHA, a pu s’échapper et il a pu survivre bien qu’il ait tenté de se suicider. 

Les Interahamwe prenaient des Tutsi pour les tuer sur la fosse, d’autres étaient emmenés vers la ville à bord de véhicules. Je n’ai pas encore retrouvé les corps de mes trois beaux-frères. Ces Interahamwe passaient leurs nuits à chasser les Tutsi et ils m’ont conduite à la fosse de Damascène, la fosse de KARAGANWA étant pleine. Mon mari y a été conduit vers 14 heures et MUNYEMANA était présent. » Telle est la déclaration spontanée de la témoin.

Sur questions du président, le témoin dit que ses parents étaient Hutu et son mari, Innocent NSENGIMANA, Tutsi. Elle avait deux enfants de 5 ans et 7 mois. Elle dit être voisine de l’accusé, parle même de « maisons mitoyennes » (NDR. Précision qui va poser des problèmes dans le récit qu’elle va faire.) Avant le génocide, elle n’avait pas particulièrement de relations avec son voisin. Quant à la réunion du 17 avril, ni elle ni son mari n’y ont participé. Ce dont elle se souvient, c’est que lorsqu’il y avait une réunion ils devaient dormir à l’extérieur de leur maison.

Participaient aux réunions MAMBO, RUGANZU, REMERA et le fils de Félicien KUBWIMANA, Faustin. Ils changeait de lieu de rencontre. Elle les connaissait tous bien. Sosthène MUNYEMANA se rendait chez RUGANZU chez qui on écoutait Radio MUHABURA, la radio du FPR. Elle a vu plusieurs fois venir Jean KAMBANDA chez son voisin.

Concernant le bureau de secteur, elle a vu BWANAKEYE remettre les clés du bureau de secteur à l’accusé, elle a vu ce dernier ouvrir le bureau, l’a vu partir et revenir. Elle voyait même des gens venir chercher les clés. Il a été conduite une fois au bureau du secteur mais elle a réussi à s’échapper. Elle confirme ce qu’elle avait dit lors d’une audition: elle avait bien vu des « grands tueurs » avec leurs prisonniers venir chercher les clés chez MUNYEMANA . Les prisonniers ont été enfermés dans le bureau de secteur. Elle confirme qu’elle les a suivis. Interrogée sur les « grands tueurs« , elle précise qu’il s’agissait de MAMBO, NGENZI, Faustin, qui avait un fusil, Tharcisse KABURE et Evariste NTIRENGANYA. Elle confirme aussi que son mari n’est pas passé par le bureau de secteur, il a été emmené directement à la fosse de Damascène. Mais elle ne sait pas si MUNYEMANA était présent. C’était la nuit. Elle a suivi le groupe mais est restée en arrière. C’était au moment de la pacification. Elle s’est échappée.

Monsieur le président s’étonne que, étant Hutu, elle ait été arrêtée. Elle répond que son mari et ses enfants étaient Tutsi. Elle précise avoir été arrêtée deux fois et conduite une fois à la fosse et une autre fois au bureau de secteur.

Une des assesseures fait remarquer au témoin que Vincent HABYARIMANA, qu’elle dit connaître, a dit qu’il n’avait jamais vu des tueurs venir chercher les clés chez MUNYEMANA. Madame NYIRANGIRUWONSANGA se contente de déclarer qu’ils n’ont pa vu la même chose. Quant au fait qu’elle s’est échappée au bord de la fosse « en passant entre les jambes des Interahamwe« , le témoin tente d’expliquer l’expression. Il faudra faire appel à l’interprète pour savoir que c’est une expression à prendre au figuré, fréquemment employée pour dire qu’on a échappé à la vigilance de son gardien.

Son avocat  fait préciser au témoin qu’elle ne sait ni lire ni écrire (NDR. Ce qui peut expliquer la façon dont elle répond aux questions.) Quant au véhicule, rouge, elle ne sait pas si c’est MUNYEMANA qui en était le propriétaire ou un de ses locataires. Si elle n’avait jamais dit qu’on l’avait conduite chez KARANGANWA, c’est tout simplement qu’on ne lui avait jamais posé la question. Elle dit ne pas connaître Josépha MUJAWAYEZU (NDR. Qui a témoigné ce matin). Pendant le génocide, elle a perdu beaucoup de membres de sa famille dont cinq personnes chez son beau-père, son mari, ses frères et soeurs, plus des gens de la famille de SEROMBA, le frère de son beau-père. Elle finit par dire qu’elle s’est remariée: elle n’avait eu que deux enfants avec son mari!

Monsieur BERBARDO, l’avocat général, va poser quelques courtes questions pour, dit-il,  » lever des malentendus« . Le témoin confirme qu’elle sortait de chez elle, qu’elle passait les barrières, sauf lorsqu’elle avait son enfant au dos. Elle a dû quitter sa maison en mai car on l’accusait d’être du côté de ses beaux-frères. Si d’autres témoins ne disent pas la même chose qu’elle, c’est qu’ils n’ontpas vu la même chose. Il y avait bien une barrière près de la statue de la Vierge près de laquelle les tueurs étaient assis. MAMBO passait là sa journée. Il y avait une barrière près de chez RUGANZU et une autre chez Damascène. Elle a bien vu MUNYEMANA  monter vers le bureau de secteur avec des miliciens. Elle confirme que le bureau était un lieu de réunion où on enfermait les prisonniers qui disparaissaient et étaient exécutés chez KARANGANWA.

Concernant le rôle de Sosthène MUNYEMANA, elle répète ce qu’elle a déjà dit en ajoutant quelques détails supplémentaires, surtout sur la tentative de suicide de KIRUSHYA. Ce n’est pas Sosthène MUNYEMANA qui a donné du lait à ce dernier pour le sauver. (NDR. Rappel: KIRUSHYA avait avalé un liquide extrait de piles pour mettre fin à ses jours. On lui avait administré du lait pour le soigner.)

Maître LEVY, pour la défense, s’étonne que le témoin ait pu dire habiter à dix mètres du bureau de secteur et avoir une maison mitoyenne avec son client. Il s’étonne aussi des contradictions entre ce qu’elle a pu dire lors de ses auditions devant les juges et ce qu’elle dit aujourd’hui. Pour lui, elle n’est pas crédible.

Maître BOURG intervient à son tour. Elle aussi met en lumière les contradictions du témoin. Maître BIJU-DUVAL fait reconnaître au témoin qu’elle connaît Laurence KANAYIRE, et maître LURQUIN précise que pour que le lait soit efficace en cas d’empoisonnement, il faut y ajouter du charbon. Ce que confirme le témoin et ce qui a été fait.

Audition de monsieur Venant GASHONGORE, témoin.

Le témoin commence par dire qu’il habite Tumba, pas très loin de chez MUNYEMANA, dans une rue proche.

« Pendant le génocide, dit-il, j’ai vu Sosthène MUNYEMANA venir chez mon frère chercher la clé du bureau de secteur. (NDR. Son frère, c’est MAMBO, responsable de cellule). Nous habitions la même parcelle. Il a répondu que c’est BWANAKEYE qui avait la clé. J’ai appris que des membres de ma famille étaient réfugiés au bureau de secteur gardé par des Interahamwe. Sosthène MUNYEMANA se tenait souvent au bureau de secteur où j’apportais de la bouillie à mes beaux-frères (NDR. L’épouse de monsieur GASHONGORE était Tutsi). Sosthène MUNYEMANA ne pouvait pas me reconnaître. Je prononçais le mot de passe « PAWA », et en passant par derrière le bureau, je donnais à boire et à manger aux miens.

Le jour suivant, je suis allé voir ma belle-soeur: MUNYEMANA était là. Il ouvrait la porte aux Interahamwe. Je n’ai pas retrouvé la personne que je venais voir. Deux autres de mes belles-soeurs, Vestine et Athanasie, ainsi que leur frère Viateur AHIREMEYE, étaient enfermés dans le bureau étaient là sans boire ni manger. Viateur a été sorti et les Interahamwe l’ont jeté dans la fosse d’où il pourra sortir pendant la nuit. Il sera le seul rescapé. Tous les autres ont disparu. Depuis ce jour, je ne suis plus retourné au bureau de secteur. C’est Sosthène MUNYEMANA qui a enfermé les gens dans le bureau, sans manger ni boire. Je demande que ces gens reçoivent une justice équitable: c’était des humains. »

Monsieur le président fait préciser au témoin que ses parents étaient Hutu, que sa femme, Dafroza MUKARUTABANA était Tutsi (toujours vivante) qu’il avait deux frères et une soeur. Il est bien le frère de MAMBO. Ses deux frères ont bien été poursuivis pour génocide: MAMBO, mort avant son jugement et son autre frère toujours en fuite. Sosthène MUNYEMANA est venu chercher la clé auprès de mon frère quand il a remplacé BWANAKEYE. Il n’a pas assisté à la passation de pouvoir  mais on l’a informé. Monsieur le président précise que l’accusé a fini par reconnaître cette démarche. Etait-ce le 22 avril.

Le témoin n’est pas sûr de la date. « C’est mon frère qui m’a dit que MUNYEMANA avait remplacé BWANAKEYE » Concernant la visite de l’accusé chez MAMBO, le témoin a assez souvent changé de version: venu seul ou accompagné de KUBWIMANA. Aujourd’hui, le témoin dit que l’accusé était venu seul. MUNYEMANA, de son côté, dit qu’il est venu avec Félicien KUBWIMANA. Ce dernier était son cousin, s’il était venu, il s’en souviendrait. Son frère lui a dit qu’il n’avait pas la clé, même s’il avait dit le contraire lors de son audition!

C’était la première fois qu’il voyait venir MUNYEMANA chez MAMBO. Ils se rencontraient ailleurs. Il confirme que son frère était un grand tueur. C’est après avoir fait la connaissance de MUNYEMANA qu’il serait devenu tueur, en très peu de temps. « Nos parents nous avaient pourtant mis en garde » ajoute-t-il. Pour moi, MAMBO a été utilisé. » On apprend que son frère, qui ne savait ni lire et écrire, avait obtenu en emploi « prisé ». En effet, il avait été embauché à la SORWAL, une usine d’allumettes. ( NDR. C’est HIGANIRO, condamné à 20 ans de prison lors du procès dit des « Quatre de BUTARE » en 2001 à Bruxelles qui était le directeur de l’entreprise.)

Monsieur le président lit alors sa déposition concernant le retour de MAMBO et sa prise de conscience qu’il avait été utilisé suite à l’obtention de ce poste qu’il n’aurait jamais dû obtenir.  » Mon frère m’a tout raconté quand il a pris conscience qu’il avait mal fait. Sosthène MUNYEMANA était son supérieur, plus instruit, plus intelligent. C’est lui qui l’a conduit sur le mauvais chemin, c’est lui qui l’a entraîné dans les tueries en lui montrant qu’il avait un intérêt: or, il n’y avait aucun intérêt. »

Le témoin dit n’avoir jamais assisté à des réunions. C’est son frère qui le mettait au courant. Sur question du président, le témoin confirme qu’une partie de sa famille  était enfermée au bureau de secteur, dont une certaine Vestine, enceinte d’un de ses frères. Il confirme aussi qu’il prononçait bien le mot de passe « PAWA » lorsqu’il se rendait au bureau. Si c’estla première fois qu’il en parle, c’est parce qu’il ne s’en souvenait pas à l’époque. Et d’ajouter que le bureau de secteur n’était pas un lieu de refuge. Il n’a jamais retrouvé les corps des siens.

Monsieur l’avocat général rappelle au témoin les variations dans ses déclarations. «  Faites un effort. Vous avez dit deux fois que Sosthène MUNYEMANA était venu chez MAMBO avec KUBWIMANA (ce que l’accusé dit de son côté) et en confrontation vous avez dit qu’il est venu seul! » Le témoin dit que MUNYEMANA n’est pas venu seul.

L’avocat général fait remarquer au témoin que BWANAKEYE aurait pu remettre la clé à la personne qui habitait le plus proche du bureau de secteur. le témoin n’a pas vraiment d’explication, si ce n’est que le conseiller de secteur a été obligé de remettre la clé et il l’a remise à Sosthène MUNYEMANA. Pourquoi pas à MAMBO?  » Parce ce qu’il était illettré » répond le témoin. Lorsqu’il est rentré d’exil, MAMBO a déclaré que les « grands tueurs » étaient ceux qui l’avaient entraîné. Il. se sont servis de lui pour identifier les Tutsi à tuer. Le témoin de dire que son frère se tenait bien sur les barrières. Et si son épouse et ses enfants ont pu être sauvés, c’est tout simplement qu’ils sont restés à la maison. Sa femme se cachait dans l’éable dans laquelle des trous avaient été creusés. On attendait l’nterrement d’HABYARIAMANA pour s’en prendre aux femmes tutsi qui avaient un mari Hutu. (NDR. Une affirmation qu’on a déjà entendue et que beaucoup de gens ont du mal à comprendre.)

Sur questions de maître LEVY, le témoin dit qu’il n’a pas vu BWANAKEYE remettre la clé à Sosthène MUNYEMANA, que REMERA était le responsable de la CDR, que MAMBO était du MRND mais qu’il ne connaissait pas qui était responsable du MRND à Tumba.

Maître LURQUIN, toujours pour la défense, dit au témoin qu’il ne comprend pas ce qu’il raconte sur ce qui se passe au bureau de secteur:  » C’esttoujours la faute de MUNYEMANA, jamais de MAMBO! » Monsieur GASHONGORE se contente de répondre que c’est Sosthène MUNYEMANA qui ouvrait et fermait le bureau.

On pourra également se reporter à l’audition de monsieur Venant GASHONGORE lors du procès en première instance, le 30 novembre 2023.

Jade KOTTO EKAMBI, bénévole.

Alain GAUTHIER, président du CPCR.

Jacques BIGOT pour les notes et la mise en page.

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Auditions de Vincent SIBOMANA, Vincent SIBOMANA, Espérance KANYANGE et Providence MUKANDOLI (parties civiles).