Procès en appel de Sosthène MUNYEMANA: lundi 22 septembre 2025. J 5


L’audience débute à 9h30. À titre liminaire, le président indique qu’il sera passé outre un témoin. Par ailleurs, les avocats de la partie civile souhaitent verser aux débats des pièces afin d’interroger le témoin du jour : Johan SWINNEN, ancien ambassadeur de Belgique à Kigali. Ce que va accepter la cour après le visionnage du documentaire prévu ce jour.


Visionnage du documentaire « Rwanda: autopsie d’un génocide ». La marche du siècle.

« Rwanda : autopsie d’un génocide », documentaire réalisé par Philippe LALLEMANT, diffusé en septembre 1994 dans l’émission « La marche du siècle » présentée par Jean-Marie CAVADA sur France 3.

L’audience est suspendue à 10h50 et reprend à 11h05.

Audition de monsieur Johan SWINNEN, ex-ambassadeur de Belgique au Rwanda.

Le président indique qu’il est possible pour le témoin de réaliser un propos introductif de 30 minutes maximum. Celui-ci étant présent en raison du pouvoir discrétionnaire du Président, il ne prêtera pas serment. En revanche,  il lui a demandé de s’exprimer « en toute franchise ».

Il est demandé au témoin de décliner son identité, son âge (59 ans), et sa profession (diplomate retraité). Le témoin explique que sa présence est requise du fait de son ancien poste d’ambassadeur de Belgique de 1990 à 1994. Il s’agissait de son premier poste. Le témoin raconte être arrivé le 15 août avec sa famille à Kigali, et que 6 semaines après, il y a eu la première attaque du FPR[1]. Le témoin souhaite indiquer au préalable qu’il va tenir « des propos avec beaucoup de questions, ayant fréquenté des acteurs comme le président de la République, les ministres, les autorités importantes et également la société civile au Rwanda ».

Le témoin explique que l’histoire du génocide « rwandais » est mal contée, n’est pas objective et emprunte de malhonnêteté, « l’histoire telle qu’elle est racontée en général ». Il souligne que « pour certains, nous sommes loin de la vérité car nous sommes dans un débat trop polarisé pour ou contre HABYARIMANA »[2].

Le témoin explique ensuite qu’il a été témoin dès 1990 d’une « politique de réformes », allant vers une démocratisation de la société rwandaise. Il explique que le problème majeur était « le retour des réfugiés qui voulaient revenir, et qui se sont organisés en 1987 ou 1988 en mouvement : le FPR » et que le gouvernement avait réagi de façon « réticente pour ne pas dire hostile » face au « retour en masse des réfugiés ». Il ajoute qu’il y a des efforts « positifs à ne pas oublier, comme l’introduction d’une Constitution qui a introduit le multipartisme », ajoutant avoir assisté à « une explosion de libertés ». Le témoin explique que les attaques du FPR ont mené au déplacement d’un million de personnes, qui n’avaient aucune responsabilité dans les conflits entre le FPR et le régime. Le témoin souhaite ensuite poser des questions, pour les sortir du domaine des tabous : « Comment se fait-il que tant de Rwandais soient tombés dans le piège de la radicalisation et de l’extrémisme ? Qui avait intérêt à ce que ce développement négatif se fasse ? Pourquoi n’y a t-il pas eu d’enquête internationale sur l’attentat du 6 avril 1994 ? Est-ce que ce génocide faisait l’objet d’un plan organisé, structuré ? »

À cette dernière question, le témoin déclare qu’il « n’a pas la réponse, mais que cette question est primordiale ». Le témoin poursuit en indiquant que selon lui « il y avait peut-être des projets, un dessein génocidaire, mais il n’en avait pas connaissance ».

Le témoin explique que « certes, la RTLM[3] a attisé la haine, mais les évènements liés au Burundi aussi ». Le témoin se questionne ensuite longuement sur la question de savoir si monsieur KAGAME disposait finalement de moyens suffisants pour stopper ce génocide plus tôt.

À la question du président de la cour d’assises, demandant quel jour le témoin est parti du Rwanda, le témoin répond le 12 avril 1994, arrivant le 13 à Bruxelles. Il explique ensuite, sur question du président, qu’il y a eu des réunions entre ambassadeurs, une coopération et un contact régulier et intense entre les Français, les Allemands et les Belges durant cette période, ainsi qu’avec le représentant de l’Union européenne.

Le président revient sur les déclarations du témoin qui présente le Rwanda comme « un pays stable à son arrivée ». Il exprime sa surprise, au regard des soubresauts terribles avant les années 1990 qu’a pourtant connus ce pays. Le témoin confirme que selon lui le pays était stable « à ce moment-là, en 1990 ». Le président lui indique pourtant qu’en 1989, des exactions ont été commises. La question est alors de savoir en quoi le pays était stable pour le témoin. Ce dernier indique à la cour « qu’il n’y avait pas de conflits armés mais une famine ». Et que le Burundi voisin avait connu des massacres vers 1988 mais que « le Rwanda était plutôt stable depuis la 2ème république en 1973, alors que sous la première, il y avait régulièrement des attaques et des représailles ».

À la question du président «À quelle date les institutions internationales ont-elles employé le mot génocide? », le témoin explique que le mot « génocide » est intervenu officiellement dans un télex en 1992 ou 1993 avec l’ambassade du Burundi. S’agissant du Rwanda, il (l’ambassadeur) parlait davantage de « crainte d’un génocide », sans pour autant que cette crainte soit confirmée. Le témoin parlera de son souhait de voir évoluer le Rwanda favorablement vers la démocratie et s’étend sur l’effort de paix, mais la question du président n’aura finalement aucune réponse.

Le président  indique qu’un télex en date de février 1994 évoquait le « génocide ». Le témoin explique que le ministre des affaires étrangères au début de l’année a exprimé ses craintes de « débordements négatifs ». Le président explique au témoin que le ministre belge utilise pourtant le mot génocide. La question est de savoir pour quelle raison le témoin se pose encore la question d’un « génocide ». Johan SWINNEN explique qu’il se demande « s’il y a des choses en coulisse que nous ne savons pas et qu’aujourd’hui je n’en sais pas davantage ». Il conclut en expliquant n’avoir aucune preuve d’une organisation ou d’un plan structuré.

Il indique néanmoins avoir envoyé un tract anonyme (recueilli au Rwanda) à Bruxelles « qui parle d’un état major autour du président, et ce tract parlait d’un plan de préparation de l’extermination du peuple tutsi ».

Le président demande si les informations qui lui ont été transmises en tant qu’ambassadeur étaient de nature à l’inquiéter. Ce à quoi le témoin répond que la RTLM a commencé à émettre en juin 1993, pratiquement en même temps que la finalisation des accords d’Arusha ; et qu’ils (les services de l’ambassade) ont immédiatement enquêté pour en savoir plus. Ils souhaitaient « savoir qui était derrière, étant donné que la voix avait un accent belge, et qu’il lisait les édito virulents contre les Belges, contre les Tutsi.. et attisait la haine qui apportaient de l’eau au moulin de  la polarisation et à la radicalisation ». (NDR. La RTLM a été encouragée et en partie financée par l’épouse du président HABYARIMANA, madame Agathe KANZIGA, qui habite la ville de Courcouronnes, sans statut de réfugiée politique et sans titre de séjour. C’est son frère, Protais ZIGIRANYIRAZO, alias monsieur Z, décédé récemment au Niger, que la ville d’Orléans a refusé d’inhumer dans le cimetière de la ville[4].)

Le président demande au témoin quel était le résultat de leurs recherches à ce propos. Johan SWINNEN a longuement expliqué son inquiétude de l’époque et insiste pour expliquer que ce n’était pas « qu’une question de génocide, car des massacres avaient été perpétrés par le FPR ». En revanche, le témoin n’apportera aucune réponse à la question de savoir quel a été le résultat des recherches de l’ambassade.

Le président indique au témoin qu’à la suite de l’attentat du 6 avril 1994, d’autres témoins ont très vite indiqué qu’il y a eu des barrières, des rondes et un déploiement de force à une vitesse si élevée que la spontanéité de ces actions peuvent poser question. Le témoin confirme que ces barrières et ces meurtres ont effectivement eu lieu rapidement. Pour le témoin, cette rapidité est « inhérente à la structuration de la société et à la multiplication des massacres »

Le président revient sur la diffusion, dans de nombreux documents, de la haine des femmes tutsi, et fait notamment référence aux Dix Commandements des Bahutu[5] et aux messages à la radio Il indique que le témoin parle beaucoup du FPR, et souhaite savoir si pour le témoin, il y avait également une diffusion de messages haineux à l’encontre de personnes tutsi et notamment de femmes. Le témoin confirme et indique que les Dix Commandements « étaient une horreur et inacceptables, mais que ce genre de textes existait déjà dans les années 90 ».

Le président explique que certains reportages et documents indiquent que certains pays (France et Belgique), sous couvert d’humanitaire, étaient en réalité en soutien du régime pour repousser le FPR à certains moments. Il est demandé l’avis du témoin, qui explique qu’entre collègues sur place, il y avait une relation correcte mais qu’il ne savait pas tout et se demandait si l’ambassadeur de France était sincère et honnête avec lui. Le témoin s’étend sur la volonté de paix pour le pays et qu’il y avait davantage « une ambiance anti-belge dans les jours qui ont précédé le génocide ». Le témoin conclut en expliquant « qu’il aurait fallu faire mieux pour répondre à la caricature belge ».

Le président explique ensuite qu’il y a eu dès le 7 avril, le meurtre de la Première ministre. Le président demande au témoin si la bascule vient de là, ou bien s’il était encore possible de faire quelque chose au niveau international à ce moment-là. Johan SWINNEN explique qu’il pensait que ça allait s’arranger, et donc qu’il pourrait revenir au Rwanda assez rapidement après son départ. Ce à quoi le président indique qu’il est surprenant qu’à la suite de son départ le 12 ou 13 avril, le témoin pensait pouvoir revenir alors qu’à Kigali notamment, les massacres avaient démarré. Il demande à propos du gouvernement intérimaire (considéré comme génocidaire), la perception qu’en a le témoin. Ce dernier explique qu’une délégation de ce gouvernement est venue le voir le samedi 9 avril et que cette rencontre « était houleuse et très sévère car ils venaient demander le soutien de la Belgique pour leur projet d’un Rwanda nouveau ». Le témoin explique que jusqu’à ce moment-là, il n’y avait pas encore eu d’appel au calme malgré ses demandes.

Le président demande si, avec tout ce que sait le témoin aujourd’hui, il estime ou non que ce gouvernement était génocidaire ou que la réalité est plus nuancée. Johan SWINNEN explique avoir toujours dit que « ce gouvernement n’a pas seulement attisé et renforcé la haine, incité à se venger, mais je trouve surtout que ce gouvernement s’est empêché d’arrêter les massacres, n’a pas fait assez d’effort pour empêcher la multiplication des tueries ». Il déclare que « peut-être le gouvernement a fait une grande erreur quand il a encouragé le génocide, mais de l’autre coté le gouvernement aurait du faire beaucoup plus d’effort pour empêcher les tueries ». (NDR. Des explications toujours un peu emberlificotées d’un ambassadeur qui a du mal à donner un avis précis. Qu’auront compris les jurés de cette audition?)

Il conclut en expliquant que « le gouvernement belge n’a pas voulu avoir de contact avec ce gouvernement intérimaire, qui n’a pas été reconnu ». Il finit par dire qu’on ne « parle pas suffisamment du comportement du FPR » et que « l‘histoire est tronquée ».

Le président souligne le paradoxe dans les propos du témoin, qui indique d’une part  que la société rwandaise était structurée de façon verticale, à l’instar des Belges (avec un gouvernement, la préfecture, le bourgmestre, le responsable de cellule, le responsable de secteur..) et d’autre part que ce même gouvernement n’aurait pas fait ce qu’il fallait pour stopper ces massacres. La question est de savoir s’il aurait pu y avoir un tel génocide dans un pays très structuré, sans volonté du gouvernement qui, selon le témoin, perlait sur toute la structure du pays.

Le témoin répondra à la question par cette phrase: « En effet, c’était notre grand souci et notre consternation : que ce gouvernement n’arrive pas à stopper la situation ». À la question du président qui est de savoir si oui ou non il y avait, selon le témoin, une intention de commettre un génocide au sein du gouvernement intérimaire, monsieur SWINNEN s’étend sur la sévérité des discours pro-génocidaires qu’il décrit comme « trop durs », que les structures au Rwanda étaient finalement relativement performantes, et qu’une haine a fini par se développer « dans un débat politique qui s’envenimait ». En revanche, le président n’obtiendra pas de réponse à sa question.

À la question de savoir pour quelle raison le témoin ne parle pas de la haine envers les Tutsi, des explications sont attendues. Le témoin indique en avoir parlé mais revient aux Hutu ainsi qu’aux attaques du FPR. Le président insiste: « Quid de la haine envers les Tutsi y a-t-il eu des discours haineux à l’égard des Tutsi ?” Le témoin explique avoir entendu ces discours haineux à la radio RTLM, « avoir vu des feuilles, des papiers qui circulaient, des tracts, des caricatures et dessins monstrueux, surtout concernant les Belges », puis insiste sur « les messages de haine envers les Hutu modérés, opposés au nouveau régime ».

S’agissant de BUTARE, il est demandé au témoin s’il avait eu l’occasion de discuter de l’état du pays avec des Rwandais de BUTARE. Le témoin répond par l’affirmative et ajoute avoir rencontré une fois le préfet Jean-Baptiste HABYARIMANA[6] à Kigali et salue “son courage”.

Le président présente l’accusé et demande au témoin, selon lui, quel niveau de connaissance pouvait avoir un médecin sur ce qui se passe dans le pays au niveau gouvernemental. Le témoin explique qu’il ne connaît pas l’accusé et dit ne l’avoir rencontré que dans le cadre de la première instance. Mais il indique que « le docteur MUNYEMANA avait cosigné une lettre avant le génocide en 1993, avant la motion de soutien au gouvernement intérimaire du 16 avril 1994”. Le témoin déclare que l’accusé y parle « d’état de droit, d’un processus démocratique, qui devait permettre aux pays de désigner quelqu’un qui n’est pas en litige ou en discussion ou en conflit avec son propre parti ».

Le président demande si cette lettre est dans le dossier mais aucun des avocats (partie civile et défense), ni l’avocat général n’en ont entendu parler. Le témoin indique l’avoir découverte après le premier procès, et que cette lettre est disponible sur internet en accès libre[7]. Pour conclure, Johan SWINNEN indique que tous les intellectuels et les médecins s’intéressent à la politique au Rwanda.

Enfin, à la question sur le départ de Sosthène MUNYEMANA du Rwanda, qui a été aidé par l’ancien ministre STRATON, il est demandé au témoin si pour lui, il est facile ou non de quitter le pays de cette façon, en rejoignant le Zaïre par la route la plus longue, truffée de barrières. Le témoin explique qu’il ne connaît pas ce ministre, puis s’étend sur les raisons profondes qui touchent un individu qui souhaite fuir (la peur), sans répondre à la question du président.

L’avocat général revient sur la lettre du 7 septembre 1993[8], qui est en source libre sur internet, et demande l’autorisation de verser cette pièce aux débats pour pouvoir interroger le témoin ci-dessus.

Le président indique que ce point sera vu après la suspension.

Le président passe la parole aux membres de la cour. Il est demandé au témoin qui, selon lui, aurait empêché de diligenter une enquête internationale. Le témoin explique que c’est l’ONU qui organise et réclame des enquêtes. De sorte qu’il faut, selon lui, s’adresser aux membres permanents du conseil de sécurité, et que pour lui, les États-Unis n’y sont pas étrangers.

L’audience est suspendue à 13h07. Elle reprendre à 14h15 par les questions des parties civiles, de l’accusation et enfin de la défense.

Questions des parties civiles.

Maître PARUELLE demande au témoin si, lorsqu’il parle de « génocide rwandais », il veut bien parler du génocide des Tutsi. Monsieur SWINNEN confirme que c’est bien le cas. Le témoin parle souvent du million de déplacés aux portes de Kigali sans parler du million de victimes du génocide. Pour le témoin, c’est cette présence des déplacés du Nord qui a fait monter la haine et la radicalisation.. Quant aux massacres des Bagogwe et du Bugesera, condamnés par la Belgique, ils étaient probablement annonciateurs du génocide des Tutsi, mais le témoin ne peut s’empêcher de dire qu’il y avait aussi des massacres perpétrés par le FPR. Et de faire allusion à l’encerclement de la ville de BYUMBA et du massacre de beaucoup de personnes par le FPR.

Maître EPOMA énumère tous les massacres qu’on peut considérer comme signes précurseurs du génocide. Le témoin rapporte qu’à KIGALI comme à BRUXELLES, ils étaient extrêmement inquiet. Quant à KAMBANDA et TWAGIRAMUNGU ils n’acceptaient de se parler qu’en présence du témoin. Ce dernier ne sait pas si MUNYEMANA et KAMBANDA étaient amis[9].

Concernant « l’attaque » de la nuit du 4 au 5 avril, le témoin reconnaît qu’il n’a pas compris tout de suite qu’il s’agissait d’un simulacre. « On voulait nous faire croire que le FPR était à Kigali pour justifier l’arrestation des « complices ». » reconnaît monsieur SWINNEN.  D’évoquer ensuite la personne de Fred RWIGEMA qu’il est tenté d’opposer à Paul KAGAME, la comparaison allant plutôt en faveur du premier qui aurait plus ou moins conclu un accord avec HABYARIMANA à propos du retour des réfugiés. Ce dernier n’avait pas le soutien de son entourage, ce qui a rendu cet accord caduque. (NDR. À condition que cet accord ait vraiment existé. Le témoin n’en est pas du tout certain. Il l’évoque quand même!) L’assassinat des Casques bleus belges. Il y avait un grand sentiment anti-Belges, accusés d’avoir abattu l’avion[10].

Sur d’autres questions des parties civiles, le témoin reconnaît qu’il avait des craintes de ce qui pouvait arriver, mais pas concernant une « préparation » du génocide: « Des signes précurseurs, oui, mais pas un plan. Plan que le TPIR n’a jamais prouvé! » (NDR. Peut-être faudrait-il tout simplement en revenir à la définition d’un génocide considéré comme un crime préparé par un État? » Le témoin s’étonne qu’il n’y ait pas eu d’enquête internationale sur l’attentat contre l’avion du président HABYARIMANA. Enquête française, oui, mais était-ce suffisant?

Il est fait remarquer au témoin qu’il est venu témoigner au procès de Charles ONANA, en sa faveur, alors que ce dernier a été condamné pour contestation du génocide[11]. Il déclare ne pas être d’accord avec toutes les formules de l’accusé: « J’aurais formulé autrement! » (NDR. C’est bien léger comme déclaration. Il est quand même venu soutenir une personne condamnée pour négationnisme!) Il regrette aussi qu’on ait confié l’organisation du championnat du monde cycliste au Rwanda, un pays « qui viole le droit international, qui viole le droit avec le pays voisin. Ce n’était pas le moment. » (NDR. Allusion à la tribune que le témoin a publiée récemment en Belgique.) Il a appris que KAMBANDA était devenu Pawa[12], mais il n’était plus là.

C’est au tour de l’avocat général d’interroger le témoin pour lui faire remarquer qu’il représentait la Belgique mais qu’il était personnellement impliqué dans la situation et qu’il avait son propre jugement. Monsieur SWINNEN se contente de dire qu’il a essayé d’être « un diplomate moderne » en ne suivant pas seulement la politique de son gouvernement tout en essayant de contribuer à la construction de cette politique. (NDR. Réponse de diplomate!) Il avait la confiance de son gouvernement, ce qui l’encourageait à prendre des décisions. Monsieur l’avocat général lui fait remarquer qu’il n’avait toutefois pas l’indépendance d’un historien.

« Vous n’avez pas la preuve d’un plan concerté. Pour vous, il manquerait un décret pour le prouver? » demande l’avocat général. Et le témoin de répondre: « Jusqu’à présent, je n’ai pas cette preuve, ni de contre-preuve. Mais ce plan concerté pourrait exister sans que ce soit mis sur papier! »(NDR. Encore bien une réponse de diplomate!) Monsieur SWINNEN, reconnaît, que jeune diplomate (c’était son premier poste), il a ressenti « une immense émotion lors du massacre des Bagogwe, et plus encore lors de ceux du BUGESERA ». Il a bien rédigé un rapport sur les Bagogwe, « mais on n’est jamais sûr de la vérité! » Et de donner l’exemple de l’assassinat de Félicien GATABAZI. Sa femme a commencé par lui révéler que c’était l’acte de HABYARIMANA pour lui confier dix ans plus tard que, preuves à l’appui, c’était finalement le FPR le responsable.

Le témoin tend à minimiser la portée des propos du président HABYARIMANA à propos de ses déclarations selon lesquelles les accords d’Arusha n’étaient qu’un « chiffon de papier ». Il accepte l’interprétation que lui aurait donnée le président: c’était un accord qui pour l’instant n’était inscrit que sur du papier. (NDR. Peu convaincant comme explication mais qui correspond bien à ce qu’est le témoin depuis le début de son audition. IL navigue de-ci de-là.) Par contre, toujours sur question de l’avocat général concernant la définition de l’ennemi, il n’a jamais dit que les ennemis étaient tous les Tutsi .

La lettre ouverte du 7 septembre 1993, dans laquelle MUNYEMANA se plaint de la désignation de TWAGIRAMUNGU comme futur premier ministre, dans un souci d’avoir un minimum de consensus au sein du MDR[13] et dans le pays (on lui reprochait d’avoir été exclu du MDR), le témoin déclare que cela « fait partie du théâtre politique. Je vois cela comme une lamentation. Je ne veux pas attaché à cette lettre une trop grande importance. »

Questions de la défense.

C’est maître BIJU-DUVAL qui ouvre le bal. Il évoque à son tour le retour des réfugiés, parle de Fred RWIGEMA dont des sources disent qu’il aurait été assassiné par ses propres troupes. C’était pour lui une personne « charismatique », ce qui ne semblait pas être le cas de Paul KAGAME. Il parle ensuite du multipartisme mais comme sa Bible c’est toujours les déclarations de GUICHAOUA[14]), il n’est peut-être pas nécessaire de s’apesantir sur ses réflexions. L’avocat de la défense partage la position du témoin concernant la définition de l’ennemi. Et encore GUICHAOUA. On en restera là.

Après plus de six heures d’audition, monsieur le président met fin à l’audience.

On pourra également se reporter à l’audition de monsieur Johan SWINNEN lors du procès en première instance, le 20 novembre 2023.


Visionnage de deux documentaires proposés par la défense. Le seul objectif de cette diffusion: démontrer que le régime de KAGAME est une dictature sanguinaire qui exécute ses opposants, fait disparaître des journalistes… On n’en attendait pas moins de la défense. Mais quel rapport avec l’affaire qui nous occupe devant la cour d’assises de Paris.

Demain matin seront entendus monsieur Florent PITON et madame Diana KOLNIKOFF. L’après midi, ce sera le tour de monsieur Jean-Philippe REILAND, enquêteur de l’OCLCG. La journée se terminera par l’audition de votre serviteur initialement prévue le 13 octobre. Mais je serai absent à cette date-là.

 

Jade KOTTO EKAMBI, bénévole au sein du CPCR

Alain GAUTHIER, président du CPCR

Jacques BIGOT pour les notes et la mise en page

 

 

  1. FPR : Front Patriotique Rwandais[]
  2. Juvenal HABYARIMANA : Président de la République rwandaise de 1973 jusqu’à son assassinat le 6 avril 1994. Juvénal HABYARIMANA a instauré un régime à parti unique, le MRND, discriminatoire à l’encontre des Tutsi et marqué par un favoritisme à l’égard des Hutu originaires de la préfecture de Gisenyi (Nord), région dont il était originaire. Il a introduit des quotas ethniques dans l’administration et l’enseignement pour limiter le poids des Tutsi et laissa la propagande et la haine anti-Tutsi se développer massivement sous son pouvoir, cf. glossaire[]
  3. RTLM : Radio Télévision Libre des Mille Collines – cf. Focus : LES MÉDIAS DE LA HAINE[]
  4. Lire notre communiqué du 28/8/2005 : Obsèques de monsieur Z: le Tribunal Administratif donne raison au maire d’Orléans[]
  5. « Appel à la conscience des Bahutu » avec les 10 commandements » en page 8 du n°6 de Kangura, publié en décembre 1990.[]
  6. Jean-Baptiste HABYARIMANA (ou HABYALIMANA) : le préfet de BUTARE qui s’était opposé aux massacres est destitué le 18 avril puis assassiné (à na pas confondre avec Juvenal HABYARIMANA).[]
  7. Voir Lettre ouverte des intellectuels du MDR de Butare à Monsieur le Président de la République rwandaise (document pdf archivé sur le site francegenocidetutsi.org ) datée du 7 avril 1993, in André GUICHAOUA : Butare, la préfecture rebelle, rapport d’expertise, Tome 3, Annexe 13[]
  8. Voir Lettre ouverte des intellectuels du MDR de Butare à Monsieur le Président de la République rwandaise (document pdf archivé sur le site francegenocidetutsi.org ) datée du 7 avril 1993, in André Guichaoua : Butare, la préfecture rebelle, rapport d’expertise, Tome 3, Annexe 13[]
  9. Voir dans le procès RWAMUCYO l’audition de Jean KAMBANDA, Premier ministre du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide. Voir également  Focus – L’État au service du génocide.[]
  10. Attentat du 6 avril 1994 contre l’avion présidentiel. Voir également : FOCUS – Avril – juin 1994 : les 3 mois du génocide.[]
  11. Voir sur le site de Survie : Charles Onana et son éditeur condamnés pour contestation du génocide des Tutsis au Rwanda : le tribunal de Paris condamne un « déploiement sans frein de l’idéologie négationniste », article publié le 11 décembre 2024. []
  12. Hutu Power (prononcé Pawa en kinyarwanda) traduit la radicalisation ethnique d’une partie des militants des mouvements politiques. À partir de 1993, la plupart des partis politiques se sont disloqués en deux tendances : une extrémiste dite « power » (ex. MDR-POWER; MRND-POWER; PL-POWER, etc), et dite « modérée », rapidement mise à mal, cf. glossaire.[]
  13. MDR : Mouvement Démocratique Républicain. À partir de 1993, la plupart des partis politiques se sont disloqués en deux tendances : une extrémiste dite « power » (ex. MDR-POWER; MRND-POWER; PL-POWER, etc), et dite « modérée », rapidement mise à mal, cf. glossaire. []
  14. André GUICHAOUA : Rwanda, de la guerre au génocide : les politiques criminelles au Rwanda, 1990-1994 – La Découverte (Paris[]

Lire aussi

Procès en appel de Sosthène MUNYEMANA: vendredi 19 septembre 2025. J 4

Auditions d'Alain VERHAAGEN (professeur d’université), Hervé DEGUINE (ancien membre de Reporters sans Frontières) et Eric GILLET (avocat honoraire du barreau de Bruxelles). Parole à l’accusé.