Procès en appel de Ngenzi et Barahira. Jeudi 24 mai 2018. J 11

 

Interrogatoire de Tito BARAHIRA suite à l’audition de Véronique MUKAKIBOGO.

L’accusé, qui dit avoir connu le témoin, est fort étonné de ses propos. II a du mal à s’expliquer ses mensonges. Il pense qu’elle est inspirée par les autorités mais ne sait pas si elle a participé à la Gacaca [1] qui la condamné. L’accusé reconnaît avoir eu des contacts téléphoniques avec des amis du pays et personne ne l’a vu commettre des crimes. BARAHIRA déclare ne rien avoir affaire avec la mort du beau-frère du témoin : François NTIRUSHWAMABOKO, le 9 avril. Il a appris sa mort par son voisin SEHENE. Mais il n’en sais pas plus. De toutes façons, tout ce qu’elle dit n’est que mensonges.

Interrogatoire de NGENZI suite à l’audition de Véronique MUKAKIBOGO.

L’accusé connaissait lui aussi le témoin. Il la décrit comme une femme autoritaire : elle peut ajouter ce qu’elle veut à ses déclarations. NGENZI classe les témoins en trois catégories :

  • Ceux qui ont participé à l’élaboration des témoignages, comme l’abbé INCIMATATA.
  • Ceux qui veulent se racheter auprès du FPR.
  • Les parties civiles qui se sont constituées en premier lieu.

Véronique ne lui avait jamais montré d’animosité.

Quant à RWAGAFILITA [2], il n’a jamais eu de « relations intimes » avec lui, de relations privilégiées.

Il aurait participé à des réunions ? Le témoin aurait dû préciser les dates… C’est un montage.

L’accusé déclare n’avoir joué aucun rôle à l’église. La mort de sa mère ? On ne lui a pas donné la bonne version. NGENZI souligne les contradictions de son témoignage.

Il est d’accord avec BARAHIRA. Son témoignage est une « manipulation ». Le gouvernement veut diviser les Hutu et les Tutsi ! (NDR. Cela n’a que peu de rapport avec la politique de réconciliation que tout le monde reconnaît).

BARAHIRA veut reprendre la parole. On l’accuse d’avoir tué quelqu’un : c’est un mensonge. Il ne connaît même pas la victime. Il veut parler aussi de l’ambiance qui régnait lors de l’umuganda [3]. Madame la présidente relativise les propos du témoin.

« Elle devait se marier avec RWAGAFILITA ? » demande la présidente. « Elle avait l’habitude de refuser les maris » lâche BARAHIRA !

Audition du lieutenant Olivier GRIFFOUL qui a commandé une unité de recherches au Rwanda.

Le témoin explique comment il a été amené à travailler sur les dossiers rwandais. Il a fait plusieurs séjours dans ce pays : les missions duraient environ trois semaines. Il avait des liens avec le GFTU [4] dont un officier de police judiciaire qui l’accompagnait, Méthode RUBAGUMYA.

Monsieur GRIFFOUL parle de la compétence universelle au nom de laquelle on peut juger en France des étrangers qui ont commis des crimes à l’étranger (NDR. A condition qu’il soit sur le sol français au moment de la plainte. Important de souligner que c’est presque toujours à l’initiative des parties civiles que les plaintes sont déposées.)

NGENZI aurait changé de comportement à partir de 1990, suite à l’attaque du FPR que certains considèrent comme l’élément déclencheur du génocide. A Kabarondo, c’est l’attentat qui a été l’élément déclencheur : des tueries ont eu lieu assez vite dans les cellules environnantes de Kabarondo. Les Tutsi se sont regroupés à l’église ou on les a rassemblées dans ce lieu de culte traditionnellement inviolable. Très vite, il y aura entre 2000 ou 3000 personnes. Le curé de la paroisse avait commencé à établir une liste pour gérer l’intendance. C’est le 13 avril que l’église sera attaquée.

Le témoin va alors décrire longuement la chronologie des événements pour parler des massacres de l’église, du Centre de Santé et de l’IGA [5]. NGENZI va peu à peu prendre conscience que tous les Hutu ne sont pas partants pour aller tuer. Et le témoin d’évoquer aussi les déplacement du bourgmestre vers Kibungo.

BARAHIRA ? Il avait des activités en périphérie de Kabarondo. Ex-bourgmestre, il a gardé une certaine autorité. Au cours d’une réunion, il a appelé au meurtre des Tutsi. Le FPR serait arrivé autour du 19 avril alors que les autorités locales avaient fui vers la Tanzanie où les communes se sont réorganisées sous l’autorité des bourgmestres.

Sur questions de la présidente, le témoin évoque à la fois les similitudes mais aussi les différences entre les régions du pays. L’Est se sentait délaissé d’où la création du Club de Kibungo, au départ un groupe d’entrepreneurs [6]. Et le témoin de rappeler non seulement l’opposition Hutu-Tutsi, mais aussi l’opposition Hutu du Nord et Hutu du Sud ou de l’Est.

Le témoin confirme, à la suite de madame CLAMAGIRAND, qu’il n’a pas rencontré de difficultés particulières dans son travail d’enquête auprès des personnes qu’il souhaitait rencontrer. Un OPJ rwandais les accompagnait sans participer aux auditions : il leur facilitait leur organisation et leur permettait de retrouver les témoins. Travail en relation étroite aussi avec l’Association d’Aide aux Témoins. Contrairement aux enquêteurs d’autres pays, ils ne rémunéraient pas les témoins. Et d’ajouter que les personnes interrogées n’étaient pas influencées par le pouvoir. Ils avaient la liberté d’aller où ils voulaient et se faisaient aider d’interprètes conseillers le plus souvent par l’ambassade de France. Si une personne se sentait en danger, on l’indiquait dans le PV d’audition. Il a rencontré une quarantaine de témoins par mission. Pas de problème non plus pour accéder aux archives mais elles n’étaient pas toujours de bonne qualité.

Il est alors demandé au témoin de présenter la commune de Kabarondo. On projette cartes et photos. La RTLM était bien captée à Kabarondo où il n’y avait pas de gendarmes. RWAGAFILITA [2]? Il ne sait pas qu’il est mort au Cameroun en 1995. BARAHIRA avait gardé une certaine autorité d’ancien maire. Il était toutefois perçu comme « quelqu’un d’agressif, de violent ». On l’aurait démissionné de son poste de bourgmestre suite à des malversations financières. Si les bourgmestres se sont enrichis ? « C’était incontournable! »

Quant à NGENZI, il a opéré un revirement en 1990 et a conservé son autorité pendant le génocide : sa présence sur les lieux sans condamner les auteurs étaient ressentis comme une incitation à tuer. Il en est ainsi avec les Simba Bataliani [7] qu’il laisse faire.

Les « ABALINDA ? », des gens originaires de Rubira. C’était autrefois des chasseurs : ils avaient gardé leurs armes traditionnelles. Les policiers communaux participent aussi aux massacres. Ils tirent sur les fuyards, ont des fusils, des lance-grenades, des armes de poing. On entend les tirs de loin car on est sur une petite crête. NGENZI va encourager les gens à se rendre à l’église.

BARAHIRA activait la haine à Cyinzovu, c’était un leader charismatique.

NGENZI ? Il rassemble les gens à l’église, refuse d’assister les réfugiés, va chercher les Simba Bataliani et ne les condamne pas et il va chercher les militaires à Kibungo. Enfin, il donne l’ordre aux policiers communaux d’empêcher la fuite des Tutsi.

Monsieur Frédéric BERNARDO interroge le témoin. Il cherche à se faire préciser quels sont les pouvoirs réels des bourgmestres.

1) les moyens qu’il a mis au service de la mort, il aurait pu les mettre au service de la protection des Tutsi. Il aurait pu condamner les tueries.

2) NGENZI a fait venir les Simba Bataliani, des gens belliqueux concentrés sur leur secteur.

3) il aurait pu activer les rouages de l’État. Il avait un véhicule dans un pays où les gens marchent à pieds.

Le Bureau communal aurait pu servir de lieu d’accueil, même s’il n’y avait pas beaucoup de place

Questions de la défense (après une interruption pour entendre un témoin en visioconférence)

Maître CHOUAI a été étonné par un certain nombre d’affirmations du témoin. Il trouve gênant que beaucoup de témoins disent « on m’a rapporté, on m’a dit, je n’ai pas vu… » Monsieur GRIFFOUL se justifie : cela peut permettre d’écarter des témoins. Certains témoins sont juste des « témoins d’orientation » qui permettent d’accéder à d’autres. Quant à Oscar KAJANAGE, c’était une autorité, c’était pour nous un témoin important. Si un témoin vient avec des notes, ce qui peut se concevoir, nous le mentionnons: certains ont besoin d’aides mémoire seize ans après les faits!

Madame la Présidente rappelle à l’ordre maître CHOUAI : il s’approche trop près du témoin au risque de l’intimider. L’avocat cherche à se justifier et fait remarquer à madame la Présidente qu’elle n’a pas repris maître LAVAL qui aurait eu le même comportement!

L’avocat de la défense de s’étonner aussi que les auditions soient parfois interrompues pour des raisons qui ne se justifient pas. Le témoin s’explique et trouve que ce n’est pas choquant. En ironisant, maître CHOUAI fait remarquer que cela ne pourrait pas se passer en France. Monsieur GRIFFOUL acquiesce, mais il précise qu’il tient compte du contexte : « Au Rwanda, nous sommes des étrangers. On pouvait leur accorder une césure! »

« Et quand ils arrivent, c’est un torrent d’accusations » ajoute l’avocat, suspectant le témoin d’être allé se concerter avec d’autres!

Il évoque ensuite le témoignage de Médiatrice UMUTESI. L’origine de l’affaire, c’est la plainte du CPCR, un copier/coller d’un document du Parquet. L’avocat s’étonne que l’enquêteur parte de cette plainte. Et de citer Médiatrice : « Il est venu et je l’ai aiguillé vers des rescapés du génocide! » Monsieur GRIFFOUL fait remarquer que l’audition a été faite par son collègue GEROLD. « C’est le travail de l’enquêteur de commencer par les témoins de la plainte. C’est à lui de vérifier la qualité du témoignage. » ajoute le gendarme.

« La main du témoin tenue par l’association? » continue l’avocat. Et le gendarme de redire que l’enquêteur rencontre le témoin et se fait son opinion. Et maître CHOUAI de revenir sur le comportement de NGENZI lors de sa prise de fonction comme bourgmestre. Il n’y a pas eu de chasse aux sorcières.

Si KAJANAGE, KARAKEZI et INCIMATA n’ont rien reproché à NGENZI en 1990, c’est tout simplement car ils n’ont pas eu à souffrir de lui à cette date. On parle ensuite des différents lieux de la commune où vont se dérouler des massacres. L’homme de loi cherche à minimiser le rôle de son client. Puis il revient sur les liens que l’enquêteur pouvait avoir avec le GFTU [4] et avec Méthode en particulier. Il voudrait y voir une certaine connivence, ce que dément le témoin. Puis arrive la question inévitable : le Rwanda, dictature ou démocratie? L’avocat a son idée, bien sûr mais c’est au témoin de répondre et de reconnaître que c’est un pays sous contrôle, sécurisé.

Maître CHOUAI veut savoir si, du bureau communal on peut voir et entendre ce qui se passe à l’église. Selon le témoin, il était impossible de ne pas voir et de ne pas entendre. IL y a 52 mètres entre les deux!

« NGENZI n’avait pas d’arme! » affirme l’avocat de la défense. « Qu’attendre d’un homme désarmé? » (NDR. Ce n’est pas ce que révèlera un autre épisode qui sera évoqué probablement plus tard!) Et l’avocat d’ajouter: « A supposer que NGENZI ait été armé, qu’aurait-il pu faire face à CYASA et aux Simba Bataliani? » Réponse du témoin: « NGENZI n’avait pas besoin d’une arme pour affirmer son autorité! »

Maître BOURGEOT demande au témoin quels livres il a lu. Il ne se laisse pas influencer par ses lectures. Il a été aidé par des gens qui l’aidaient à décortiquer des documents. « Je n’ai pas une « bible » sur ma table de nuit ».

L’avocate demande au témoin s’il a travaillé sur le dossier SIMBIKANGWA. Pas du tout (NDR. Concernant SIMBIKANGWA, nous avons appris aujourd’hui que la Cour de cassation avait rejeté son pourvoi. Il devient ainsi le premier Rwandais à être définitivement condamné pour génocide. On peut imaginer la déception de ses avocats, maîtres BOURGEOT et EPSTEIN!)

« Et sur Bonaventure » poursuit l’avocate? (NDR. Qui peut comprendre cette allusion? Probablement s’agit-il de Bonaventure MUTANGANA, le « frère » de SIMBIKANGWA à propos duquel le parquet a ouvert une instruction suite au témoignage qui est venu faire lors du procès de son « frère ».)

Maître BOURGEOT parle des gens qui, au Rwanda, « sont surveillés et écoutés« ! Le témoin n’infirme pas mais signale qu’il reste au Rwanda des membres de la famille de NGENZI et BARAHIRA et que certains témoins se sentent menacés! Elle refait dire au témoin que la base de ses investigations c’est bien la plainte du CPCR. Monsieur GRIFFOUL confirme mais il ajoute aussitôt qu’une fois sur place il cherche ses propres témoins. « La plainte du CPCR, c’est l’étincelle qui permet de faire démarrer l’instruction. » Son rôle? S’assurer que les témoins disent vrai!

NDR. La suite des questions ne présente pas un intérêt capital pour la compréhension des événements. Sauf bien évidemment le récit rocambolesque de BARAHIRA sur ses activités du 13 avril lorsqu’il aide le responsable d’Electrogaz à réparer le transformateur, récit qu’il avait déjà fait en première instance et sur lequel on reviendra probablement!)

Audition de Hassan KALIMBA en visioconférence, cité par la défense.

Le témoin, détenu, témoigne en faveur de son bourgmestre NGENZI et de son ancien voisin BARAHIRA. Il raconte les deux attaques dont il connaît l’existence : celle menée par MUTABAZI de Kigarama, et celle venue de Rubira, dirigée par MUGARAZI. C’est à cette dernière attaque à laquelle il a participé : il purge une peine de réclusion à perpétuité. Il n’a rien à dire de mal sur les deux accusés.

Monsieur BERNARDO veut avoir plus de détails sur l’attaque à laquelle il a participé lui-même. Il y a eu quatre morts qui ont été tués parce que c’était la guerre!

Maître BOURGEOT fait redire au témoin ce qu’il a déjà dit, revient sur les auditions d’un certain TWAGIRIMANA et ses contradictions. Le témoin ne sait pas qui a tué François. Lors des Gacaca [1] on aurait dit que c’est TURATSINZE, ce qui dédouanerait BARAHIRA. Il n’a pas entendu parler de la réunion au terrain de foot de Cyinzovu, a entendu parler des Interahamwe [8] mais n’en a pas côtoyé. Il confirme que, dans sa commune, il y a eu beaucoup de déplacés à cause de l’attentat et de l’avancée du FPR.

Monsieur BERNARDO demande qu’on lise certains témoignages et demande au témoin où il était lors de l’attaque de l’église. Il était chez lui à 7/8 km du Centre de Kabarondo : il a vu passer un bus qui transportait des militaires et a entendu des détonations.

Audition d’Oreste NSABIMANA, cultivateur.

Le témoin annonce un développement en trois parties, en fonction des dates qui ont précédé les massacres de l’église. Il semble toutefois qu’il se soit systématiquement trompé d’une journée.

Le 7 avril, la guerre a commencé. Le témoin rapporte le fameux événement que l’on pourrait intituler « Les chèvres de TITIRI ». Averti par le conseiller Cyprien, NGENZI serait venu et aurait reproché aux assaillants de tuer et manger les chèvres avant de s’occuper de leurs propriétaires. Il y aura trois morts dans la cellule de Rubira dans des affrontements.

Le 8 avril, les Interahamwe [8] de Gasharu sont venus attaquer Cyinzovu où ils ont trouvé des gens qui ne voulaient pas la guerre. Repartis à Rundu, ils se sont battus avec les habitants. On est allé chercher NGENZI qui est arrivé avec des policiers qui tirent en l’air pour disperser les gens. NGENZI ramènera chez lui le corps de Patrice tué la veille. Il reviendra le lendemain pour l’enterrement. On est en train de détruire sa maison. Le témoin voulait retourner chez lui pour récupérer quelques effets. NGENZI lui demande d’aller se réconcilier avec ses agresseurs.

Sur questions de madame la Présidente, il dit bien connaître les deux accusés. Il reconnaît l’épisode de TITIRI, on le lui a rapporté. Quant aux propos de NGENZI, il fallait y voir un encouragement à tuer. La présidente lit la déposition qu’il a faite devant les gendarmes français le 24 mai 2011. Il confirme l’ensemble de ses propos. Il est amené à préciser que sa femme était Tutsi, raison pour laquelle il voulait fuir.

Maître Loïc PODONOU refait dire au témoin que bourgmestre et ancien bourgmestre avait ardé leur autorité.

Madame Aurélie BELLIOT, pour l’accusation, demande des précisons sur les événements dont a parlé le témoin

Monsieur Frédéric BERNARDO refait dire au témoin qu’il n’était pas présent sur les lieux où se sont déroulés les faits. S’il éloigne sa femme, c’est parce qu’l avait refusé de participer à la ronde nocturne. Il a fui à la demande du conseiller, un membre de sa famille. Et d’ajouter que NGENZI avait le pouvoir d’empêcher les attaques malgré le fait que les gens étaient armés. Il connaissait RWAGAFIRITA [2] mais ne le côtoyait pas.

Maître CHOUAI rappelle au témoin qu’il a prêté serment… (NDR. Insinue-t-il qu’il aurait pu mentir?) et qu’il porte des attaques graves. Il reprend le fil des événements et déclare que « monsieur raconte des histoires qu’il a entendues ». Il s’étonne que NGENZI ne laisse pas finir le travail!

Maître BOURGEOT conclut la série des questions. Le témoin connaît un certain Étienne, ancien bourgmestre. Sait-il distinguer « Hutu entraînés » et « Hutu non entraînés »!!! et pose encore sa question sur l’identité des Interahamwe. Le témoin redit qu’il n’a pas eu connaissance de la réunion sur le terrain de foot.

Audition de monsieur Florian MUKESHAMBUKA, cultivateur.

Le témoin entre en saluant la salle et de commencer: « Je me tiens devant la Cour pour vous dire que j’aime la vie et la vie de mon prochain. Si je mens, je serai puni par Dieu. »

La guerre a commencé à Kigarama: on tuait les Tutsi et on pillait leurs biens. Sa commune est située en face de Kigarama. Avec les autres, il a repoussé les attaquants venus de Kigarama et se sont battus pendant trois jours. Repartis à Kigarama, ils ont volé une vache qu’ils ont tuée. Ils ont arrêtés les voleurs et les ont présentés sur la place devant tout le monde. Ils ont demandé l’aide de NGENZI qui est arrivé trop tard et aurait dit de les laisser aller manger leur vache : signal que les exactions pouvaient continuer. Les Tutsi sont alors se réfugier à l’église de Kabarondo. Le témoin en a hébergé.

Les voleurs sont revenus avec des lances, des arcs: ils criaient. Le témoin croise BARAHIRA armé d’une lance et d’une machette. Ce dernier marche derrière lui qui est accompagné d’un handicapé. Devant, sont partis les Interahamwe [8]. Le témoin profite du fait que BARAHIRA croise un connaissance pour lui fausser compagnie. Il est resté caché chez lui jusqu’à l’arrivée du FPR. Il n’a pas vu de cadavres, Dieu merci.

Madame la présidente lui fait préciser le lieu de son habitation, son ethnie et celle de sa femme: ils sont tous deux Hutu. Si en juin 2013, devant les gendarmes français, il parle de BARAHIRA et pas de NGENZI c’est parce qu’il s’agissait du dossier de l’ancien bourgmestre. On ne lui a pas posé de questions sur NGENZI. Mais il en a parlé en première instance.

Le témoin est ensuite interrogé sur l’épisode du vol des vaches. madame la présidente s’étonne qu’il n’ait pas vu de morts alors qu’il assiste aux massacres. Il se justifie en disant qu’il n »a pas fait partie de l’attaque. Il n’a rien au Centre de Santé et à l’église car il était chez lui. Il a entendu des détonations mais il est parti avec les gens qui venaient de Byumba. Il s’est toujours demandé pourquoi BARAHIRA avait participé alors qu’il avait une femme Tutsi.

A maître MARTINE, de la FIDH, il répond que BARAHIRA était seul, armé, et s’il n’avait pas obéi, il l’aurait tué.

Madame BELLIOT, pour l’accusation, souhaite des précisions sur la rencontre avec BARAHIRA. Il redit qu’il n’a pas parlé de NGENZI car on ne lui avait pas posé de questions sur lui.

Parole est donnée à maître BOURGEOT qui revient sur les Gacaca [1], demande au témoin s’il connaît des personnes dont elle donne les noms. Elle demande aux témoins s’il confirme des propos qu’il a tenus lors d’auditions antérieures: il ne savait pas si BARAHIRA était avec les tueurs et s’il était armé pour protéger sa femme.

Les derniers mots reviennent à maître CHOUAI. Il se lève, passablement énervé et clame: « Un dernier menteur pour la route! » Et de s’exclamer: « Vous êtes le seul à n’avoir pas vu de cadavres! » Réactions sur les bancs de l’accusation et des parties civiles. (NDR. On voit bien que maître CHOUAI est nouveau dans ces dossiers : SIMBIKANGWA n’a jamais vu de cadavres non plus. Il pourra demander à NGENZI combien il en a vu!)

Et de demander au témoin ce que contient l’enveloppe qu’il tient à la main. (NDR. N’ai toujours pas compris pourquoi on l’a laissé ouvrir l’enveloppe!)

Dernière bourde: « On vous annonce que la procédure concerne NGENZI et BARAHIRA et vous ne parlez jamais de NGENZI. » Tollé sur les bancs et dans la salle : c’est complètement faux. Lors de l’audition dont il était question, il ne s’agissait que de l’affaire BARAHIRA. Bien mauvaise fin de soirée.

L’audience est suspendue à 21h50

Alain GAUTHIER, président du CPCR

 

  1. Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
    Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012.
    Cf. glossaire.
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  2. Le colonel RWAGAFILITA (ou RWAGAFIRITA) était chef d’état-major adjoint de la gendarmerie depuis 1979 lorsqu’en 1990 il explique au général VARRET sa vision de la question tutsi : “ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider”. Il sera mis à la retraite “d’office” en 1992 avant d’être rappelé, avec Théoneste BAGOSORA, pour “venir aider” au début du génocide. Sous le régime HABYARIMANA, il avait été décoré de la Légion d’Honneur par la France!
    Voir le glossaire pour plus de détails.
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  3. Umuganda : travail communautaire, corvées communales obligatoires. Le nom de ces activités d’intérêt général, inscrites dans la tradition du pays (défrichage, entretien des chemins etc…) a été dévoyé par l’idéologie génocidaire pour désigner les tueries contre les Tutsi que les paysans avaient l’obligation d’accomplir (Cf. « Glossaire« ).
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  4. GFTU : « Genocide Fugitive Tracking Unit », section du parquet de Kigali en charge des fugitifs.
    Lire également l’audition de Mme Sandrine CLAMAGIRAND, officier de gendarmerie.
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  5. IGA : Centre communal de formation permanente.
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  6. Club de Kibungo : au départ un groupe d’entrepreneurs qui avait vocation à dynamiser le commerce, il aurait peu à peu dérivé vers des motivations ethnistes « pro-Hutu de l’Est ».
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  7. Simba Bataliani : dangereux groupe armé constitué d’anciens militaires des FAR, souvent cités pour leurs exactions meurtrières dans la région de Kabarondo.
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  8. Interahamwe : « Ceux qui travaillent ensemble », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Cf. « Glossaire« .
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