Procès en appel de SIMBIKANGWA. Lundi 28 novembre 2016. J22

La Cour rend deux arrêts de contentieux présentés par la défense. Elle rejette la demande d’information supplémentaire concernant RUGGIU que l’on ne peut forcer à venir témoigner dans la mesure où il vit en Belgique [1]. Même décision concernant la demande de donner acte à propos de l’interprétation que le président aurait faite concernant un texte de SIMBIKANGWA sur le multipartisme,

On aborde ensuite les deux demandes de conclusion déposées la veille par la défense. La première demande concerne un dépôt de demande pour faux à propos de L’indomptable Ikinani [2], pièce déposée par le CPCR. Ce document serait, selon la défense, attribué à tord à monsieur SIMBIKANGWA.

Maître PHILIPPART, avocate du CPCR, craint que cette procédure pour faux n’influence la Cour. Ce dépôt de plainte n’est qu’un prétexte car il n’est pas indispensable dans le dossier.

Monsieur CROSSON DU CORMIER, avocat général, conteste la démarche de la défense. Il s’étonne que la défense ait tant tardé pour déposer leur plainte. Il s’agit « d’une procédure dilatoire, in extremis ». Il partage la position des parties civiles.

Maître BOURGEOT souhaite qu’on fasse une enquête sur celui qui a remis le document à monsieur DUPAQUIER. Maître EPSTEIN s’étonne que ce document ait été remis par un collectionneur. « Maintenant qu’il est traduit, nous déposons plainte. »

Les procédures ne sont pas terminées. La défense dépose aussi des conclusions concernant le site du CPCR, un « site partial, qui contient des faits inexacts ». Il y aurait atteinte à la présomption d’innocence ! Une autre question porte sur le huis clos partiel lors du témoignage de Dieudonné NYITIGEKA. Des techniciens n’auraient pas quitté la salle.

Maître FOREMAN remarque qu’il « est banal de rendre compte de ce qui se passe dans une Cour d’assises. Alain GAUTHIER rend compte de l’audience : c’est son droit le plus strict »[3]. A la Cour : « Vous ne pouvez que refuser ces actes demandés ». Les techniciens sont restés dans la salle ? Mais il y avait aussi un policier, la greffière. « Il n’y a aucune raison, huit jours après, d’accepter ce donner acte ».

Monsieur CROSSON DU CORMIER d’intervenir. Concernant les comptes-rendus du CPCR, « nous sommes en dehors du procès de la Cour d’assises ». Il y a des erreurs ? « Même les chroniqueurs judiciaires les plus chevronnés peuvent commettre des erreurs ». Et de reconnaître qu’il a fait rectifier deux petits détails dans un des comptes-rendus ! Deux techniciens seraient restés lors du huis clos ? Il y avait aussi l’escorte de monsieur SIMBIKANGWA. Il demande à son tour de rejeter ce donner acte.

Maître BOURGEOT revient sur le fait que le site du CPCR publierait des documents qui font partie du dossier, comme le rapport CARBONARE [4].par exemple. Pour elle, il s’agit « d’une violation de l’oralité des débats ».

Maître FOREMAN conteste bien évidemment ces propos. Ces pièces pré-existaient à la procédure. On les trouvait sur internet bien avant le procès. D’ailleurs, il ne s’agit pas du rapport CARBONARE mais du rapport de la FIDH.

 

Interrogatoire de monsieur SIMBIKANGWA.

 Le président souhaite que l’accusé s’exprime sur deux sujets :

– monsieur SIMBIKANGWA a-t-il vu des cadavres ?

– quel a été son emploi du temps d’avril à juillet 1994 ?

L’accusé veut absolument répondre à l’intervention du président du CPCR de vendredi. Le président refuse et comme SIMBIKANGWA insiste, on finit par lui dire qu’il pourra aborder le sujet en fin de matinée.

Concernant le première question, l’accusé rabâche les mêmes choses. Il n’a vu qu’un cadavre, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de morts. Il ne se déplaçait pas avant 9 heures et les services de la ville avaient déjà débarrassé les cadavres. Une nouveauté toutefois : il a vu des camions transporter des corps !

SIMBIKANGWA conteste les propos des frères GAHAMANYI. Ce sont des menteurs. Et d’ajouter : « Avant, les gens mentaient moins. Ils ont moins de liberté. »

Son état d’esprit le 6 avril au soir ? Il était tétanisé ! Il a appelé la garde présidentielle, à Kanombe. Plus de dire qu’il était abattu. « Je n’ai pas eu la force de penser. J’aimais beaucoup HABYARIMANA. Ce n’était pas un démocrate mais il a toujours eu le sens de l’écoute des autres. Toujours un homme humble. Je l’aimais parce qu’il était pour la modération… Et puis, c’était ma famille. »

Le 7 avril, il ne fera rien. Il aurait souhaité aller voir le corps, mais le FPR bloquait les routes ! Et puis, le ministre de la Défense avait interdit de sortir. Il accueillera des gens le 8 avril et partira pour Gisenyi le 9 pour conduire les membres de sa famille. Le 12, nouveau départ pour le Nord pour transporter des membres de la famille GAHAMANYI mais il reviendra vite pour s’occuper des réfugiés qui sont chez lui. Le reste du temps, il écrivait. Il écrivait l’histoire en marche, à partir de ce qu’on lui racontait ! Cinq manuscrits qui disparaîtront à Mayotte !

Il partait tous les matins comme s’il allait au travail, selon les témoins ? « Ce sont des enfantillages ! » Ni BAGOSORA [5]., ni RENZAHO [6]., le préfet, ni BIZIMANA, le bourgmestre, ni SEZIBERA ne l’ont vu dans cette période ! Il est toujours sorti pour porter secours aux gens qui l’appelaient. Valérie BEMERIKI l’a vu à une barrière ? Il portait à manger à la famille de monsieur HIGIRO, chez Mustapha.

Il aurait distribué de la nourriture sur les barrières, des choux ? « Je ne suis pas un chouchotier ! (sic) Le témoin Gaëtan NDERERIMANA est « un fou. »

Au président qui souhaite lire le témoignage de ce dernier, maître EPSTEIN ne manque pas de lui faire savoir qu’il « peut lire les déclarations d’un témoin grotesque. » SIMBIKANGWA conteste, il n’a pas distribué d’uniforme. Pou l’avocat de la défense, « c’est du n’importe quoi ! » Et l’accusé de renchérir : « Le juge a considéré ce témoignage comme farfelu. »

Il serait allé à une réunion à l’Hôtel Kiyovu, selon Isaïe ? Maître EPSTEIN proteste véhémentement : « Un témoin a dit qu’il a vu SIMBIKANGWA tuer un prêtre avec ses béquilles ! Vous le lirez ce témoignage ? » Le président insiste. Pour l’accusé, « c’est de la fiction. » RENZAHO  [6] ne l’a jamais vu. Quant à BIZIMANA, qui l’aurait vu devant la Présidence avec ses gardes, il est en prison. Peut-être m’a-t-il vu au marché ? De poursuivre : « Monsieur le Président, je vous en prie, voyez les choses froidement. Monsieur GAUTHIER a dit… » Monsieur DE JORNA lui coupe la parole et lui promet de lui laisser un quart d’heure pour parler de monsieur GAUTHIER, si c’est son souhait.

HIGIRO aurait dit que l’accusé n’a pas passé une journée entière chez lui ? « Faux » intervient maître BOURGEOT. Protestation de l’avocat général. Et l’accusé de rejeter en bloc le témoignage de monsieur HIGIRO.

La matinée se termine donc par ce que l’accusé a envie de dire sur monsieur GAUTHIER. Il dit avoir été « très ému par madame GAUTHIER, mais très déçu par l’expression de son mari lorsqu’il a dit : « Vous n’avez pas saisi votre chance de réintégrer la communauté des hommes. » Il a été très touché par ces propos. SIMBIKANGWA se lance alors dans la lecture d’un texte qu’il a dû écrire pendant le week-end : incompréhensible ! Et regardant le président du CPCR : « J’ai eu pour maître Jean de La FONTAINE ! Vous êtes professeur ?» Comprenne qui pourra.

Reprise de l’interrogatoire de SIMBIKANGWA dans l’après-midi.

Un assesseur revient sur les cinq manuscrits que SIMBIKANGWA aurait écrits pendant le génocide. Difficile de savoir ce qu’ils sont devenus. Finalement, il a détruit les feuillets et ce qu’il a tapé sur son ordinateur a disparu.

Maître Léa RABAUX, pour la FIDH/LDH voudrait avoir des précisions sur l’emploi du temps de l’accusé. SIMBIKANGWA commence par dire qu’il a des problèmes avec la FIDH à qui il reproche de ne pas l’avoir défendu : « Vous auriez pu être le premier à me défendre, à aider mes conseils ! » Et de reconnaître que « le mot génocide était trop fort pour lui pour l’accepter. » Maître RABAUX lui fait remarquer qu’il a donné quatre versions différentes concernant ses sorties. SIMBIKANGWA n’évoque alors que les sorties qu’il a faites pour aider des gens ! « Ceux qui m’accusent, ce sont les gens que j’ai gardés chez moi, que j’ai sauvés. Ils m’ont trahi. Ils ont dit quelques vérités et ont inventé des faussetés. » Et de poursuivre : « Le génocide est un mot trop lourd : des millions de morts ! L’épouse de GAUTHIER, je ne savais pas qu’elle n’avait pas enterré sa mère ! Comme la mienne ! » Et de détailler son emploi du temps, jusqu’au 17 avril : ses voyages à Gisenyi, la nourriture conduite à ceux qui en ont besoin… Et de redire l’idée qu’il se fait de la FIDH !

Maître Justine MAHASELA, pour la LICRA, interroge l’accusé sur la date du départ de monsieur HIGIRO. Ce serait vers le 15 juin. Tout le monde était déjà parti, même Pascal GAHAMANYI (?). C’est d’ailleurs ce jour-là qu’il serait allé chercher la famille KIBILITI. Revenu vers le 23 juin pour remettre à madame KIBILITI la fausse carte d’identité qu’il lui avait fait faire, ses hôtes étaient partis !

Au tour de maître Rachel LINDON (LICRA) de rappeler à l’accusé ses déclarations devant l’OFPRA en mai 2008. Une fois de plus, SIMBIKANGWA répond à côté et en profite pour critique vertement cette institution. L’OFPRA ? « Corrompu à l’africaine, partant de rien, de rumeurs, de ragots et qui met les gens dans la rue. » Maître LINDON lit des extraits de sa déposition devant la Cour d’appel du Droit d’Asile. L’accusé reconnaît qu’il a menti. Il a changé de nom, comme VOLTAIRE ou ROUSSEAU ! Le président l’arrête : pas de cours de littérature ! A maître LINDON qui lui rappelle ses mensonges à la CNDA, l’accusé se contente de répondre : « Le jour où vous connaîtrez le monde, le trou où je me trouve, vous comprendrez l’homme ! »

Maître FOREMAN s’étonne qu’il ait pu se procurer aussi facilement du carburant pendant le génocide alors que les stations d’essence sont fermées. Après avoir fait répéter la question, il déclare : « Vous avez une très mauvaise information. Vous vous acharnez sur moi. A Kigali on se ravitaillait en essence, jusqu’à la fin ». Il finit par reconnaître que c’est grâce à son uniforme. Des déplacements à Gitarama ? Il est passé par là, mais pas pour rencontrer les membres du gouvernement provisoire. A l’avocat du CPCR qui lui fait remarquer que ses propos sur la famille KIBILITI sont contradictoires avec ceux des filles : « Maître je vous en prie, je vous en prie, je vous en prie ! Vous me prenez pour un menteur ? Tant que vous ne comprendrez pas le problème rwandais… La réconciliation n’est pas entrée dans la tête des gens. »

Monsieur HERVELIN-SERRE s’étonne qu’il n’ait pu téléphoner qu’à deux ou trois contacts. Sa famille et son correspondant BUGINGO ! L’avocat général se dit surpris qu’il n’ait que cet interlocuteur. SIMBIKANGWA répond à côté en évoquant les barrages, parle des informateurs qu’il a payés de sa poche après sa mise à l’écart et ajoute que les informations de BUGINGO lui suffisaient. Il s’est trompé, lui « le professionnel du renseignement » comme le qualifie l’avocat général !

Monsieur le Président demande à l’accusé de répondre aux questions qu’on lui pose. SIMBIKANGWA manifeste : « Est-ce que j’ai un problème avec le Président ? Est-ce que vous avez un préjugé J’ai du mal à me contenir. Je dois être en bons termes avec ceux qui me jugent. » Le président insiste et réitère sa demande. « Il m’est impossible de mentir. J’ai cru l’officier de renseignements. Dans ma propre commune, il n’y a pas eu de morts ! » Quant à BUGINGO, il surveillait sa maison en son absence : pas d’inquiétude donc pour les personnes qu’il hébergeait.

Monsieur CROSSON DU CORMIER s’étonne que personne ne le connaisse sous le nom de SAFARI. L’accusé de redire les raisons pour lesquelles il a changé de nom, ce qui ne répond pas à la question de l’avocat général. « En utilisant le nom de SAFARI devant l’OFPRA, vous vous dissimulez ? » Et de redire pourquoi il a changé de nom en 1992, pour accéder plus facilement au collège. Si personne, parmi les témoins, ne l’appellent SAFARI, c’est tout simplement parce que ce sont des gens qu’il a connus à Kigali. Sans savoir pourquoi, il s’en prend à son chef IYAMUREMYE : « Il m’a harcelé moralement, il m’a détruit, il m’a assassiné, il m’a paralysé... »

« A l’OFPRA, tout le monde s’étonne que vous soyez le capitaine SIMBIKANGWA » poursuit l’avocat général. « Mentir à l’OFPRA ? Il y a avait des arrestations à gauche et à droite. Après, j’ai vu que mentir ne servait à rien. Dans les Ingando, on mettait en place des listes de génocidaires qui étaient jugés dans les Gacaca. J’ai repris SAFARI qui n’était pas connu. »

Maître EPSTEIN lit ce qui est dit par le juge sur Gaëtan NDERERIMANA, milicien condamné pour génocide : impossible que SIMBIKANGWA puisse se déplacer avec des béquilles. « Comment croire une telle personne ? » interroge l’avocat de l’accusé. Et l’accusé d’ajouter : « Ma surprise est double. La juridiction devrait s’en étonner. Pourquoi m’attribuer des choses aussi lourdes ? Ce sont des inventions qui n’ont aucun sens. »

La journée se terminera par l’évocation des deux ouvrages écrits par SIMBIKANGWA, L’homme et sa croix, écrit après son accident, et La guerre d’octobre, publié en 1991 [7]. De longues discussions vont tourner autour de l’idée que l’accusé se fait des Tutsi. Des propos contradictoires. Plusieurs pages seront lues, certaines favorables aux Tutsi, d’autres pas. Quand cela l’arrange, SIMBIKANGWA dit que ce ne sont pas ses propos, qu’il a oublié de mettre des guillemets. Ce que tout le monde conteste, évidemment. En écrivant La guerre d’octobre, l’accusé ne recule devant aucune confidence : « J’étais le CHE GUEVARA ! Il est mort hier ! » (NDR. Confond avec Fidel CASTRO!) Il y avait une sur-représentation des Tutsi dans l’enseignement ? « Je n’ai fait que reprendre ce qui s’écrivait », déclare l’accusé, refusant de prendre une nouvelle fois à son compte ses propres écrits. Difficile de savoir à qui pouvait s’adresser La guerre d’octobre [7]. Au FPR, dira-t-il ! Un juré s’étonne que lui, qui était un visionnaire en 1991, ait pu attendre 2008 pour comprendre qu’il y avait eu un génocide !

Maître Justine MAHASELA cherche à savoir si l’accusé a été influencé par Les dix commandements des Bahutu. Il déclare que s’il a publié ce document dans son journal, c’était pour que les Tutsi le voient ! Et pourtant. Page 55 et 59, SIMBIKANGWA parle de « la beauté angélique de leurs filles » pour reconquérir le pouvoir. Expression qui ressemble beaucoup au premier commandement des Bahutu, lui fait remarquer l’avocate.

Maître FOREMAN questionne ensuite SIMBIKANGWA sur la lettre découverte à Nyamitabo, découverte en 1962 et évoquant un plan de reconquête du pouvoir par les Tutsi. C’est un faux, reconnaîtra l’accusé, que l’on rapproche du Protocole des Sages de Sion. SIMBIKANGWA a du mal à dire pourquoi il a publié ce document. De tenir des propos incohérents : « Je suis Rwandais. Je suis pas Français. Je suis pas avocat. J’ai pas d’argent. Je suis Tutsi ! » Et comme l’avocat insiste, n’ayant pas obtenu de réponse : « Sans vous je ne serais pas ici. Sans vos magouilles, sans vos lettres, je ne serais pas là. Vous pouvez tout faire avec de l’argent. Me faire mourir en prison. Vous pourrez jamais m’enlever mon innocence. » Et d’ajouter que cette lettre de Nyamitabo n’est pas de lui, qu’il l’a publiée pour faire reculer le FPR, et pour informer les Hutu. Avec les propos qui suivent, l’avocat du CPCR lui fait remarquer qu’il « noie le poisson », qu’il n’a reconnu que trois morts dans son village alors que GUICHAOUA en dénonce plus de 1000 ! 

Monsieur CROSSON DU CORMIER revient sur les notions Hutu/Tutsi et trouve que les propos de SIMBIKANGWA sont empreints d’une « ambiguïté énorme. » L’accusé d’ajouter : « Une question pareille c’est très malheureux et ça me fâche. Elle est tendancieuse et déplacée. Elle ne peut pas venir d’un magistrat français. Question tendancieuse car ça me donne l’impression que ma mère n’est pas Tutsi ! Ce que vous dites n’est pas vrai. »

L’avocat général renonce : « Je pose les questions que je veux. Mes questions ne sont pas tendancieuses. On ne va pas gloser pendant des heures. Vous n’êtes ni Italien, ni Indien, ni Norvégien ! »

Monsieur HERVELIN-SERRE revient sur la lettre de Nyamitabo publiée dans Kangura. L’accusé reconnaît qu’aujourd’hui il ne la publierais pas dans son livre. Il l’a pourtant publiée dans le Kangura numéro 4. SIMBIKANGWA répond qu’il n’a aucun lien avec cette revue. S’il a déclaré qu’il n’était plus dans Kangura, c’est un lapsus. Il voulait dire Umurava.

En 1991, il connaissait les Dix commandements des Bahutu ? « J’ai dit le contraire. En écrivant La guerre d’octobre, c’est comme quelqu’un qui voit la maison brûler et qui cache la tête dans le sable. Moi, j’ai pris de l’eau et je l’ai versée sur la braise ! »

L’avocat général lui fait remarquer que Umurava a recueilli, le 6 mars 1992, une interview de lui-même pour promouvoir le livre. «  C’est un faux, s’exclame SIMBIKANGWA. C’est un faux. Umurava a été usurpé par Africa JANVIER. » C’est à partir du numéro 2 ou 3 qu’il en perd la direction, et non après le numéro 8 comme le prétend l’avocat général.

Au tour des avocats de la défense d’intervenir. Maître EPSTEIN souligne tous les passages favorables aux Tutsi dans les deux ouvrages de son client qui a œuvré pour la cohabitation entre Tutsi et Hutu. « Hutu, Tutsi et Twa sont égaux à tout point de vue et ils le savent maintenant. Ils peuvent marcher ensemble. » SIMBIKANGWA ne pouvait pas être l’ennemi des Tutsi. « Contrairement à ce qu’on peut penser, ajoute-t-il, et je le dis une fois pour toutes, j’aime les Tutsi. J’aime ma mère. J’aime ma mère que je n’ai pas enterrée, comme la mère de l’épouse de monsieur GAUTHIER. » Maître EPSTEIN demande à SIMBIKANGWA pourquoi il conclut son livre par cette phrase : « Seuls font vivre le bon sens et le respect mutuel entre les humains. » L’accusé de répondre : « Le bon sens permet le recul, permet d’éviter les bas instincts. »

D’évoquer ensuite, à propos de L’homme et sa croix, les difficultés qu’un handicapé pouvait rencontrer au Rwanda. SIMBIKANGWA de reconnaître que, quand on est handicapé au Rwanda, les difficultés se cumulent : difficile de se déplacer, de trouver une chaise roulante, d’obtenir une assurance, de trouver du travail… Difficile d’avoir des relations, de trouver des moyens, d’emprunter. On vous rejette.

Questionné par maître BOURGEOT, il confirme la version qu’il donne concernant le sauvetage de la famille KIBILITI. Maître FOREMAN fait remarquer que l’on a aucune preuve que la famille ait séjourné chez l’accusé.

Maître EPSTEIN revient à la charge et interroge son client sur les élections organisées en juillet 1993 dans la zone tampon occupée par les soldats de l’ONU. SIMBIKANGWA fait remarquer que tous les membres du MRND ont été élus à Byumba et à Ruhengeri mais que ces élections ont été suivies de massacres importants des élus.

« Je voulais vous faire dire qu’il y a avait eu une distribution d’armes », insiste l’avocat. L’accusé de répondre : « Ah ! c’est ça ? Oui, dans le cadre de la défense civile. Des armes ont été données à des Interahamwe. Je ne sais pas si on les leur a reprises ! »

L’audience est suspendue vers 20 heures.

Alain GAUTHIER, président du CPCR.

 

  1. Inquiet pour sa sécurité et pour la préservation de sa vie privée, Georges RUGGIU avais déjà refusé de témoigner lors du procès en première instance. Citoyen belge, il était journaliste et animateur à la RTLM. Dans ce cadre, il a diffusé des émissions qui ont incité au meurtre ou à des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale des Tutsi et ont constitué des actes de persécution envers les Tutsi, ainsi que certains Hutu et citoyens belges. Ayant plaidé coupable, il est condamné par le TPIR, en 2000, à 12 ans de prison (Cf. « Glossaire« ).
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  2. L’indomptable IKINANI publié par SIMBIKANGWA a déjà été évoqué plusieurs fois, notamment lors de l’audition de Jean-François DUPAQUIER.
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  3. Voir « Les médias qui en parlent…« . Faut-il interdire la publicité des débats publics et suspendre la liberté de la presse?
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  4. Contrairement à ce qu’indique par erreur Maître BOURGEOT, ce rapport n’a pas été publié sur le site du CPCR mais sur celui la FIDH depuis de longues années. Nous ne faisons que renvoyer vers ce site à travers le lien rappelé ici :  il s’agit plus précisément du « RAPPORT DE LA COMMISSION INTERNATIONALE D’ENQUETE SUR LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME AU RWANDA DEPUIS LE 1er OCTOBRE 1990 » (document pdf, site de la FIDH).
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  5. Chef de cabinet du ministre de la défense du gouvernement intérimaire, désigné comme membre de l’Akazu et du Réseau Zéro, le colonel BAGOSORA est un des piliers du pouvoir. Il a contribué à armer les Interahamwe à partir de 1991 et a joué un rôle clé dans l’organisation des milices début avril 94. Après l’attentat du 6 avril, il prend la tête d’un comité de crise et installe au pouvoir les extrémistes Hutu. Condamné par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), à la prison à vie en 2008 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, sa peine a été réduite à 35 ans de prison en appel en 2011.
    Voir le glossaire pour plus de détails.
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  6. Tharcisse RENZAHO, le Préfet qui a supervisé les massacres à Kigali, voir Focus/ les réseaux d’influence.
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  7. Nombreux sont ceux qui dénoncent les dérives racistes de « La Guerre d’octobre » écrit par Pascal SIMBIKANGWA, en particulier une lettre du 6 août 1962 qu’il reprend page 50 (déjà évoquée par Maître FOREMAN lors de l’audition de Jacques SEMELIN). Un autre extrait de la page 237 sera discuté à la fin de l’audition d’Anatole NSENGIYUMVA.
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